Bon nombre de jeunes autochtones qui s’intéressent au génie se butent à des obstacles complexes et structurels à l’entrée aux études dans ce domaine : lacunes quant aux cours préalables au secondaire; rares débouchés professionnels; ressources financières limitées; persistance de l’histoire coloniale; et trop faible intégration de la culture et des perspectives autochtones dans les milieux postsecondaires.
Bon nombre de jeunes autochtones qui s’intéressent au génie se butent à des obstacles complexes et structurels à l’entrée aux études dans ce domaine : lacunes quant aux cours préalables au secondaire; rares débouchés professionnels; ressources financières limitées; persistance de l’histoire coloniale; et trop faible intégration de la culture et des perspectives autochtones dans les milieux postsecondaires. C’est en raison de ce climat que les Autochtones représentent en moyenne moins de 1 % de l’effectif au sein des programmes de génie au Canada, même s’ils constituent 4,9 % de la population canadienne.
Une récente table ronde tenue dans le cadre de l’édition 2018 du Colloque sur la diversité en génie (Conference for Diversity in Engineering), qui a eu lieu le 10 novembre à Toronto, visait précisément à mieux comprendre et aborder cet écart. Quatre étudiants en génie (Brielle Thorsen, Delaney Benoit, Dannielle Brewster et Joel Grant) se sont réunis pour faire part de leur expérience à titre d’étudiants autochtones dans les facultés de génie de l’Université Queen’s, de l’Université de la Saskatchewan et de l’Université McGill.
Brielle Thorsen, de la nation crie de Saddle Lake, était la modératrice de la discussion. Étudiante de troisième année en mathématiques appliquées et génie mécanique à l’Université Queen’s, Thorsen est la première représentante étudiante nationale canadienne de l’American Indian Science and Engineering Society (AISES). Elle a ouvert le débat par une bénédiction en langue crie, puis a parlé de l’appropriation culturelle dont elle a été témoin pendant ses études à Queen’s. « Bon nombre de langues et de pratiques culturelles autochtones ont gravement décliné ou ont même disparu en raison des pensionnats et d’autres actes de colonialisme », a-t-elle expliqué.
« Dans certains cas, il est approprié de découvrir différentes cultures, voire d’adopter certaines de leurs pratiques. Toutefois, il est important de comprendre que de nombreuses pratiques ou cérémonies culturelles offertes par les universités visent à rétablir des liens entre les Premières Nations et leur histoire ainsi que les us et les coutumes de leurs communautés. »
Beaucoup d’établissements d’enseignement postsecondaire ont besoin d’accroître la sensibilité culturelle et les apprentissages des communautés non autochtones. Joel Grant, membre de la Métis Nation of Alberta, inscrit au programme de maîtrise en génie chimique à l’Université McGill, a décrit la campagne actuelle en vue de changer le nom des « Redmen », les équipes sportives masculines de l’université : « Cette campagne a fait les manchettes à Montréal, mais beaucoup de gens sont mal informés. Ils se demandent peut-être pourquoi nous essayons de faire changer ce nom parce qu’ils ne connaissent pas toute l’histoire de son origine — ils pensent qu’il fait référence aux Écossais. » Distribuant des citations racistes tirées d’albums de finissants des années 1950, Grant a expliqué que le caractère méprisant de ce nom envers les peuples autochtones était bien attesté.
Si ces exemples soulignent un problème persistant, il y a aussi de bons coups qui aident les étudiants autochtones et permettent d’atténuer les obstacles avec lesquels ils doivent composer. Delaney Benoit, membre de la communauté Qalipu Mi’kmaq, à Terre-Neuve–et–Labrador, est étudiante de troisième année en génie civil à l’Université Queen’s. Elle a confié que, si l’université s’est distinguée à ses yeux, c’est qu’il s’agit de l’un des rares établissements qui offrent des programmes de rayonnement et de soutien en génie destinés aux Autochtones. Ainsi, pour attirer des étudiants des Premières Nations, les établissements doivent « faire connaître les possibilités et montrer qu’il y a des programmes d’information qui s’adressent aux étudiants autochtones », a déclaré Benoit. Elle a précisé qu’il était important de tenir compte du fait que bon nombre de réserves et de communautés sont situées en région éloignée et que leurs membres n’ont pas tous les capacités d’assister aux journées « portes ouvertes » des grandes universités. Selon Benoit, il faudrait présenter le recrutement dans les régions éloignées d’une façon accueillante. « Il convient plus de se présenter en personne que d’envoyer un dépliant, a-t-elle fait remarquer. Lorsqu’une personne s’inscrit à l’université, elle devient un numéro; cette pratique est très éloignée de bon nombre des valeurs autochtones, qui reposent sur l’établissement de relations. »
Dannielle Brewster, membre de la Première Nation de Cross Lake, est en deuxième année de génie chimique à l’Université de la Saskatchewan. Elle a choisi ce domaine, car elle désirait relever un défi dans son parcours universitaire et acquérir des compétences en résolution de problèmes. Elle a parlé de durabilité et de la nécessité de l’intégrer directement au génie. Dans l’avenir, elle souhaite se pencher sur l’enjeu de l’insécurité de l’alimentation en eau dans les réserves et les communautés nordiques. Elle travaille à titre d’ambassadrice des étudiants autochtones à l’École d’ingénierie de son université et vise ainsi à contrer le décrochage scolaire des étudiants autochtones en génie.
« Si vous faites partie d’une minorité, on vous demande souvent de représenter votre peuple, mais les communautés sont très hétérogènes, et il est intimidant de parler au nom de toutes », a confié Brewster. À la fin de la discussion de groupe, l’assistance, composée d’étudiants en génie de tout le pays, a entamé une conversation avec les panélistes et a exploré des façons de présenter à leurs facultés respectives certaines des excellentes idées discutées au cours du colloque pour encourager la participation des étudiants autochtones.