En tant que membres d'une profession agréée, les ingénieurs sont tenus de respecter le code de déontologie de leur organisme de réglementation respectif. Bien qu'ils soient appliqués par le biais de mesures réglementaires, ces codes, qui vont au-delà d'une pratique particulière pour s'étendre à des principes plus généraux régissant les décisions et le comportement, sont conçus de façon à ce que les ingénieurs disposent d'un modèle leur permettant de se responsabiliser lorsqu'il s'agit de protéger le public.
Indépendamment de leurs particularités, les codes de déontologie des différentes zones de compétence ont un objectif commun : ils établissent un ensemble de principes de conduite professionnelle qui vont au-delà des exigences juridiques et réglementaires. Ils démontrent au public que les ingénieurs sont tenus de respecter des normes de conduite élevées dans leur travail. Dans de nombreux cas, ils constituent également la base de l'identité de l'ingénieur. Dans le cadre des travaux d'Ingénieurs Canada visant à promouvoir la collaboration nationale, le document Code de déontologie – Guide public constitue une synthèse des codes en vigueur dans les différentes zones de compétence. Aucun ingénieur au Canada n'est tenu de se conformer à ce guide en particulier, mais il présente des principes communs à tous les organismes de réglementation.
Parmi les principaux domaines communs aux organismes de réglementation, les ingénieurs doivent accorder la plus haute importance au bien-être du public. En outre, ils ne doivent entreprendre des travaux que dans les domaines où ils sont compétents, ils doivent éviter les conflits d'intérêts – en les divulguant lorsqu'ils ne peuvent pas les éviter – et ils doivent signaler à leurs employeurs ou aux autorités de réglementation les situations où, selon eux, des travaux ou des personnes agissent en violation de leur code de déontologie.
Mettre l'éthique en pratique
Par le biais des lois, des règlements administratifs ou des guides, selon le contexte, les organismes de réglementation fournissent aux ingénieurs des conseils sur la façon d'appliquer les codes dans leur travail quotidien. En effet, même avant l'obtention du permis, la déontologie fait souvent partie intégrante de la formation en génie.
« Il est important d'intégrer le concept et la pratique de la déontologie en génie à d'autres cours, laboratoires, préparations aux examens, etc., indique Andrew Gadsden, professeur associé au Département de génie mécanique de l'Université McMaster, car même si les gens ont une certaine éthique personnelle, le fait de la renforcer dans d'autres cours et de l'associer au code de déontologie contribue à préserver le bien-être public. »
Marcel O'Gorman, professeur de langue et de littérature anglaises et directeur du Critical Media Lab à l'Université de Waterloo, qui donne des cours d'éthique à des étudiants en génie, dit que les étudiants s'intéressent à l'éthique et veulent en savoir encore plus que l'introduction que leur offrent leurs études de premier cycle en génie.
L'évolution de l'éthique en génie
À mesure que la science, la technologie et l'ingénierie continuent d'évoluer et que les appels à des pratiques commerciales socialement responsables se font plus pressants, de nouvelles considérations éthiques peuvent apparaître dans la pratique du génie.
« Il semble que l'éthique de la communauté du génie soit historiquement ancrée dans la sécurité. Mais il pourrait être plus difficile de déterminer comment l'éthique en génie s'intègre à la technologie, comme la sécurité en ligne et la protection de la vie privée, ou même aux questions de santé mentale », ajoute M. O'Gorman. Il fait remarquer que les considérations éthiques entrent également en jeu dans les travaux d'ingénierie environnementale, par exemple en ce qui concerne les impacts environnementaux des pratiques minières, ou dans l’utilisation des matières extraites elles-mêmes.
Les ingénieurs ont-ils encore une responsabilité en ce qui concerne les matériaux qui accélèrent les changements climatiques ou qui sont utilisés à des fins contraires à l'éthique? Fait à noter, Engineers and Geoscientists British Columbia a renforcé les conseils relatifs aux responsabilités environnementales dans les récentes révisions de son code de déontologie. Ce genre de changement peut représenter une évolution vers une réflexion à plus long terme sur l'éthique en génie.
Ryan Melsom, gestionnaire, Compétences professionnelles, Ingénieurs Canada, fait remarquer que « la définition même de la sécurité du public a évolué ces dernières années, pour englober une approche plus proactive, multigénérationnelle et sociétale de ce qui constitue la sécurité ».
Quelle que soit la situation, il est important que les ingénieurs mettent en balance les progrès et la réflexion, explique Mark Abbott, directeur du Laboratoire d’innovation en génie.
« Il se peut que quelque chose n'enfreigne pas la règle de ne pas causer de tort, souligne M. Abbott, mais le processus a-t-il fait l'objet de contrôles éthiques? » Il s'agit de trouver un équilibre entre l'urgence de progresser et la réflexion, sans aller trop loin dans un sens ou dans l'autre, car la paralysie causée par un excès d’analyse constitue un autre risque. « Nous voulons réunir les deux parties, en recherchant les responsabilités et en prenant des mesures efficaces, mais avec des considérations réfléchies pour s'assurer que les deux parties peuvent se rencontrer au milieu. »
L’évolution du Guide public sur le code de déontologie d’Ingénieurs Canada
Sous l'égide des organismes de réglementation, le Bureau canadien des conditions d'admission en génie (BCCAG) d'Ingénieurs Canada procède actuellement à la révision du Guide public sur le code de déontologie. Les organismes de réglementation reconnaissent que, bien qu’elle soit fondamentale pour la profession, la déontologie doit continuer à être articulée en fonction de l'intérêt public. Cela garantit non seulement la pertinence de la profession, mais aussi la reconnaissance de l'idée selon laquelle, pour vraiment protéger la sécurité du public, il faut tenir compte du fait que « le public » évolue avec le temps.
« Ce que l'on considérait comme "le public" il y a 100 ans a évolué pour englober non seulement un Canada plus diversifié, mais aussi une idée du public futur, note M. Melsom. Alors que les organismes de réglementation individuels maintiendront les codes en fonction des différences et des exigences de leur zone de compétence, la révision du guide par le BCCAG représente une synthèse nationale des préoccupations communes des organismes d'ingénierie. »
Comme pour tous les travaux du Bureau des conditions d’admission, la collaboration nationale sera la clé du succès. Toute proposition de modification du guide sera communiquée aux organismes de réglementation pour recueillir leurs commentaires et, en fin de compte, les révisions seront approuvées par le conseil d'Ingénieurs Canada, qui représente un ensemble de points de vue nationaux.