Giovanni Beltrame a bien fait de ne pas écouter son entourage qui lui suggérait de s’orienter vers les affaires lorsqu’il s’interrogeait sur sa formation. Heureux comme un poisson dans l’eau dans sa carrière de chercheur spécialisé dans les robots d’essaim et les systèmes embarqués, il se passionne pour des inventions qui vont faire progresser l’humanité dans son ensemble.
Ce rêve démarre dès l’âge de 6 ans. Alors que plusieurs se contentent de jouer au lego, le jeune Italien construit déjà des programmes informatiques sur un ordinateur personnel qui ne dispose que de 48 ko de mémoire. Tout naturellement, ce passionné de mathématiques s’inscrit à Politecnico, la prestigieuse université de génie de Milan. Là, il ne se limite pas à une seule maîtrise. L’étudiant choisit plutôt d’en conjuguer deux, l’une portant sur le génie électrique, et l’autre sur les systèmes embarqués, un double diplôme effectué avec l’Université de l’Illinois à Chicago. Puis il se lance dans un doctorat conciliant justement ces systèmes embarqués et la robotique, après une courte expérience comme consultant.
Cet appétit de connaissances caractérise bien la carrière de Giovanni Beltrame. Très intéressé par la découverte de l’univers, il se retrouve même en 2007 parmi les 900 personnes sur 8000 sélectionnées pour devenir astronautes. À défaut de voler au milieu des étoiles, il poursuit ensuite son implication comme ingénieur en microélectronique à l’Agence spatiale européenne pendant 4 ans. Il travaille alors sur l’effet des radiations dans l’espace sur les systèmes électroniques, mais aussi sur la conception de systèmes embarqués multiprocesseurs.
Cap sur les autres planètes
Une autre direction de recherche s’ouvre ensuite alors qu’il intègre Polytechnique à Montréal en 2010. Les hasards de la vie le mettent en contact avec un spécialiste de la robotique, le ramenant vers une de ses thèses de doctorat. Le voilà donc impliqué dans les systèmes multirobots susceptibles de mieux comprendre des univers lointains comme celui de la Lune ou de Mars. « Ce qui m’intéresse, c’est de produire des technologies qui vont être utilisées pour explorer ces territoires, et en particulier les cavernes où pourraient être installés des établissements permanents, » explique le professeur.
Avec une vingtaine d’étudiants de deuxième et de troisième cycle qu’il dirige, l’ingénieur œuvre donc d’arrache-pied au sein du Laboratoire MIST sur des robots capables de percevoir leur environnement, mais surtout susceptibles de travailler ensemble. Inspiré par la nature et les systèmes de communication entre insectes notamment ou entre poissons, le chercheur a ainsi découvert que les robots en groupe disposaient d’une sorte de mémoire partagée.
Une avancée de taille, explique celui qui donne un cours sur l’intelligence d’essaim où il aborde la robotique d’essaim au Canada. Tout cela permet de conjuguer les différentes spécialisations des robots dans le but de mieux cartographier les cavernes lunaires et martiennes et d’analyser finement cet environnement jusqu’alors inconnu. Cette démarche ressemble un peu d’ailleurs à celle entreprise par Giovanni Beltrame en cofondant et en dirigeant cette année Astrolith à Polytechnique.
Cette unité de recherche multidisciplinaire en génie lunaire regroupe en effet 23 professeurs de Polytechnique venus de 7 départements, histoire de tirer parti des spécialités de chacune et de chacun. Des spécialistes en exploitation minière spatiale y côtoient donc des architectes, ou des chercheurs orientés vers la géotechnique ou le développement de capteurs. Une force de recherche unique pour mettre au point des technologies utilisées peut-être un jour sur la Lune ou d’autres planètes.
Applications sur terre
Cependant, les drones, les robots à roues, à chenilles conçus par l’ingénieur et ses étudiants, et financés notamment par l’Agence spatiale canadienne ou le CRSNG, ont aussi un intérêt sur Terre. L’industrie minière a ainsi la possibilité de mettre à profit leurs systèmes de perception pour mieux utiliser des minéraux critiques présents dans les rebuts. Le but : minimiser l’exploitation des ressources. Des robots en essaim pourraient également se retrouver dans les champs. Une façon de détecter les mauvaises herbes ou les maladies des plantes afin de moins employer d’herbicides ou de pesticides.
Fier de développer l’intérêt de ses étudiants pour ces nouvelles technologies, Giovanni Beltrame espère aussi intéresser les plus jeunes. « Comme ingénieur, notre rôle c’est de convaincre le plus de monde possible de développer leur créativité pour inventer de nouveaux systèmes utiles pour l’humanité, explique celui qui donne des présentations dans les écoles primaires et anime des cafés scientifiques. Les enfants adorent les robots, c’est donc un bon moyen de les approcher. »
Le professeur au Département de génie informatique et de génie logiciel s’amuse lui aussi comme un fou avec cette technologie. Il partage ainsi volontiers les photos prises en mission, lorsque les chercheurs testent leurs créations dans des environnements qui ressemblent à la Lune ou au fond de cavernes obscures. Une façon de s’assurer que les systèmes mis au point puissent être utilisés dans un futur proche sur une autre planète.