Pour des raisons complexes et de longue date, les Autochtones ne constituent actuellement que 1 pour cent des étudiants inscrits à des programmes de premier cycle en génie au Canada.

Pour des raisons complexes et de longue date, les Autochtones ne constituent actuellement que 1 pour cent des étudiants inscrits à des programmes de premier cycle en génie au Canada. Pour souligner la Journée nationale des peuples autochtones, le 21 juin 2018, Ingénieurs Canada s’est entretenu avec la directrice et le directeur de deux programmes d’accès des Autochtones aux programmes d’études en génie qui visent à corriger cette sous-représentation.

 

Melanie Howard est directrice des programmes Outreach et Aboriginal Access to Engineering à la Faculté de génie et des sciences appliquées de l’Université Queen’s.

Selon vous, qu’est-ce qu’un programme d’accès pour Autochtones? Comment se présente-t-il du point de vue de l’étudiant?

L’Université Queen’s a adopté une approche très large en matière d’accès, en ce sens que la sensibilisation est à la base d’une grande partie de notre travail. Nos programmes de rayonnement s’adressent aux très jeunes élèves, afin de les sensibiliser à la profession d’ingénieur et au travail des ingénieurs. Si les jeunes ne comprennent pas le type de travail qu’implique une profession, comment peut-on s’attendre à ce qu’ils aspirent à l’exercer?

Du point de vue d’un étudiant inscrit au premier cycle, un programme d’accès devrait offrir une possibilité – la possibilité de voir sa demande d’admission acceptée en fonction de modes d’admission particuliers, qu’il s’agisse de la politique d’admission des Autochtones de l’Université Queen’s ou d’un programme d’accès transitionnel plus large, comme l’Engineering Access Program (ENGAP) de l’Université du Manitoba. En ciblant les étudiants du premier cycle, ces programmes devraient faciliter l’accès à la profession en fournissant des occasions de développement professionnel, l’accès à des bourses d’études, et des occasions de contact avec des partenaires de l’industrie qui souscrivent à la diversification des milieux de travail.

Pourquoi ces programmes d’accès sont-ils importants pour les départements de génie et la profession?

Ces programmes créent des voies d’accès à la profession pour les populations traditionnellement sous-représentées. Si nous voulons vraiment diversifier la profession, nous devons envisager comment les étudiants entrent en contact avec elle – avant les études postsecondaires, durant la formation au premier cycle, et à l’entrée dans le domaine professionnel.

Ces programmes ont-ils du succès? Combien d’étudiants autochtones ont obtenu leur diplôme?

L’Université Queen’s ne recrute pas spécifiquement des étudiants autochtones en génie – nos étudiants viennent de partout au pays – de sorte que les identifier reviendrait à chercher des aiguilles dans la proverbiale meule de foin. Cependant, le simple fait d’avoir mis en place le programme d’accès pour étudiants autochtones a entraîné une augmentation de 1 000 pour cent des inscriptions autochtones au premier cycle depuis le lancement de l’initiative – nous sommes passés de quatre étudiants au premier cycle en 2011-2012 à plus de 40 inscriptions prévues en 2018-2019. Cela témoigne du fait que les étudiants veulent étudier là où ils se sentiront soutenus et appuyés. Depuis 2012, 23 étudiants autochtones ont obtenu leur diplôme en génie de notre Faculté de génie et des sciences appliquées.

Quelle serait la perte si ce programme n’existait pas?

Une perte importante serait le volet sensibilisation du programme – nous considérons que le travail que nous faisons auprès des élèves du primaire rehausse le profil du génie en tant que profession et des STIM en général dans les collectivités autochtones. Ces enfants ne deviendront pas tous ingénieurs, mais ils auront certainement une meilleure compréhension du travail des ingénieurs et sauront comment l’application de la réflexion conceptuelle (design thinking) peut les aider à solutionner des problèmes.

Quels sont les avantages à long terme des programmes comme les vôtres?

À long terme, nous développons un réseau de professionnels autochtones en génie et en sciences appliquées. Ces étudiants occuperont peut-être des postes de leadership dans les affaires, au sein de leurs collectivités ou dans le contexte plus large de la société canadienne. Tous nos programmes encouragent les étudiants à faire connaissance avec d’autres étudiants autochtones en génie – et c’est pourquoi la création de la région canadienne de l’American Indian Science and Engineering Society (AISES) a été un projet passionnant pour tant d’enseignants qui s’impliquent dans le soutien des étudiants autochtones en génie. Dans l’ensemble, ces programmes augmentent également la participation autochtone aux enjeux liés à la gestion des terres et des ressources, grâce à des professionnels formés et qualifiés qui tiennent compte des intérêts de leurs collectivités dans le cadre de leur exercice du génie.

 

Randy Herrmann, P.Eng., est directeur de l’Engineering Access Program (ENGAP) à la Faculté de génie de l’Université du Manitoba. Il est aussi membre du Comité sur la participation équitable en génie d’Ingénieurs Canada.

Selon vous, qu’est-ce qu’un programme d’accès pour Autochtones? Comment se présente-t-il du point de vue de l’étudiant?

Un programme d’accès pour les Autochtones soutient les étudiants autochtones qui font des études postsecondaires. Je crois qu’un programme d’accès devrait offrir du soutien aux plans social, personnel, universitaire et financier. Il devrait aussi offrir une forme ou une autre de programme de préparation ou de transition entre l’école secondaire et les études postsecondaires. Du point de vue de l’étudiant, le programme d’accès devrait l’aider à surmonter les obstacles auxquels il se heurte lorsqu’il entre dans un établissement d’enseignement postsecondaire.

Pourquoi ces programmes d’accès sont-ils importants pour les départements de génie et la profession?

Au Canada, la population autochtone croît plus rapidement que tout autre groupe populationnel et pourtant cela ne se traduit pas par un nombre croissant de diplômés autochtones en génie, qui demeurent sous-représentés. Il y a d’importants obstacles sociaux, culturels, économiques et géographiques à la participation des Autochtones aux programmes d’études liés aux STIM, même si des sommes considérables sont consacrées à des travaux d’ingénierie dans des collectivités autochtones ou à proximité. En outre, il faut que la profession devienne plus diversifiée, si nous voulons résoudre les problèmes auxquels le monde est confronté aujourd’hui. Pour avoir une profession forte, nous avons besoin de plus de voix féminines, de voix autochtones et de voix émanant des minorités visibles.

Ces programmes ont-ils du succès? Combien d’étudiants autochtones ont obtenu leur diplôme?

Le programme ENGAP compte 125 diplômés jusqu’à présent. Plusieurs de nos étudiants ont remporté le prix décerné par ENGAP pour la moyenne générale la plus élevée de leur programme respectif (un en génie mécanique, deux en génie électrique et un en génie des biosystèmes) et, l’an dernier, un de nos étudiants a obtenu la Médaille académique du Gouverneur général pour avoir maintenu la moyenne générale la plus élevée de tous les diplômés de l’Université du Manitoba. Bon nombre de nos anciens diplômés qui sont retournés dans leurs communautés sont devenus conseillers ou chefs.

Quelle serait la perte si ce programme n’existait pas?

Si le programme ENGAP n’existait pas, il y aurait une baisse abrupte des inscriptions autochtones en génie à l’Université du Manitoba. Les inscriptions chuteraient probablement de plus de 50 pour cent. Un grand nombre de nos diplômés n’auraient pas obtenu leur diplôme en génie si ce n’était du programme ENGAP et de notre programme de mise à niveau. Et bon nombre de nos non-diplômés n’auraient pas eu les possibilités ou les emplois qu’ils ont obtenus sans les connaissances acquises grâce à leur participation au programme ENGAP.

Quels sont les avantages à long terme des programmes comme les vôtres?

Ces programmes contribuent à atténuer les effets du système de pensionnats autochtones et de la colonisation – qui expliquent pourquoi un grand nombre de nos étudiants n’ont pas vécu une expérience très productive ou positive à l’école secondaire. Nous sommes en mesure d’accueillir ces étudiants, quand ils sont prêts à réintégrer le système d’éducation, et de leur faire vivre une expérience éducative positive et productive. Même les étudiants qui n’obtiennent pas leur diplôme reconnaissent qu’ils sont beaucoup mieux outillés quand ils quittent ENGAP que lorsqu’ils sont entrés dans le programme.

 

Ingénieurs Canada, en collaboration avec son Groupe de travail sur la participation des Autochtones à la profession, s’efforce de comprendre les conditions nécessaires à un accès accru des Autochtones à la profession d’ingénieur. Pour plus d’information sur l’importance des programmes d’accès, consultez le rapport d’Ingénieurs Canada intitulé Accès des Autochtones à des programmes postsecondaires de génie – Examen des pratiques consensuelles.