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Publié le : Decembre 2024

Les questions concernant le contenu du présent guide doivent être adressées à :
Bureau canadien des conditions d’admission en génie 
Ingénieurs Canada
bccag@ingenieurscanada.ca

Avis

Avertissement
Les guides nationaux et les documents d'Ingénieurs Canada sont élaborés par des ingénieurs, en collaboration avec les organismes de réglementation du génie provinciaux et territoriaux. Ces guides sont destinés à favoriser des pratiques uniformes à l’échelle du pays. Ce ne sont pas des règlements ni des règles. Ils visent à définir et à expliquer certains aspects de l’exercice et de la réglementation du génie au Canada.

Les guides nationaux et documents d'Ingénieurs Canada n’établissent pas de norme légale de diligence ou de conduite et ne comprennent ni ne constituent d’avis juridique ou professionnel. 
Au Canada, le génie est réglementé par les organismes de réglementation du génie en vertu des lois provinciales et territoriales. Ces organismes sont libres d’adopter, entièrement ou en partie, les recommandations contenues dans les guides nationaux et les documents d'Ingénieurs Canada ou de ne pas les adopter. Il revient à l’organisme de réglementation de la province ou du territoire où exerce ou envisage d'exercer l’ingénieur de décider du bien-fondé d’une pratique ou d’une ligne de conduite.

À propos de ce document d'Ingénieurs Canada
Ce document d'Ingénieurs Canada national a été préparé par le Bureau canadien des conditions d’admission en génie (BCCAG) en concertation avec les organismes de réglementation et il est destiné à fournir des orientations à ces organismes. Le lecteur est invité à consulter en même temps les lois et règlements pertinents de l’organisme de réglementation dont il dépend.

À propos d’Ingénieurs Canada
Ingénieurs Canada est l’organisme national constitué des ordres provinciaux et territoriaux qui sont chargés de réglementer l’exercice du génie au Canada et de délivrer les permis d’exercice aux 295 000 membres de la profession. 

À propos du Bureau canadien des conditions d’admission en génie
Le Bureau canadien des conditions d’admission en génie est un comité du conseil d’Ingénieurs Canada composé de bénévoles. Il a pour rôle d’offrir du leadership national et des recommandations aux organismes de réglementation en ce qui concerne l’exercice du génie au Canada. À cet égard, il élabore à l’intention des organismes de réglementation et du public des guides et des documents d'Ingénieurs Canada qui permettent d’évaluer les compétences en génie, facilitent la mobilité des ingénieurs et favorisent l’excellence en matière d’exercice et de réglementation du génie.

À propos de l’équité, de la diversité et de l’inclusion
Par sa nature, le génie est une profession collaborative. Les ingénieurs collaborent avec des personnes d’horizons divers pour remplir leurs fonctions, leurs tâches et leurs responsabilités professionnelles. Bien que nous soyons collectivement responsables du changement de culture, les ingénieurs ne sont pas censés s’attaquer à ces questions de manière indépendante. Les ingénieurs sont encouragés à solliciter les services des professionnels de l’équité, de la diversité et de l’inclusion (EDI), ainsi que des personnes qui ont une expertise en matière de changement de culture et de justice.

1  Introduction

« C’est dans la moralité des citoyens que réside le bien-être de la république. »
- Marcus Tullius Cicero (106-43 av. J.-C.)

Ce guide a été élaboré afin d’aider à définir ce qu’est la « bonne moralité » et d’expliquer la raison de son importance au sein de la profession d’ingénieur au Canada et dans l’intérêt du public.

La bonne moralité est exigée des inscrits* auprès des organismes de réglementation du génie au Canada [1]. La moralité se définit comme « 1. Caractère moral, valeur au point de vue moral, éthique. 2. Attitude, conduite ou valeur morale. 3. Réputation. » [2]. Elle renvoie à des notions de force morale et éthique et comprend des caractéristiques comme l’intégrité, la franchise, l’honnêteté et la loyauté.

Il y a de la subjectivité dans l’évaluation de la moralité et le consensus autour de ce qui constitue une bonne ou une mauvaise moralité. Certains comportements et certaines attitudes autrefois tolérés ou même encouragés ne sont plus considérés comme acceptables. Notre évaluation de la moralité est influencée par des mœurs sociales qui varient selon la culture et l’endroit et évoluent au fil du temps.

Le présent guide explique en quoi la bonne moralité est importante au sein de la profession d’ingénieur dans l’intérêt du public, quels types de comportement sont considérés comme bons ou mauvais et comment les organismes de réglementation évaluent la moralité des demandeurs de permis et des inscrits.

  ll importe de noter que ce guide n'établit pas une norme ou un niveau spécifique de bonne moralité à atteindre. Les demandeurs ou les inscrits ne sont pas tenus de prouver qu'ils possèdent toutes les caractéristiques de la bonne moralité; l'objectif est plutôt de s'assurer qu'il n'y a pas de raisons de croire qu'ils ne les possèdent pas. En outre, l'évaluation de la moralité des demandeurs ou des inscrits par les organismes de réglementation se fonde uniquement sur les informations dont ils disposent ou qui leur sont soumises.

2 Importance

La réglementation de l’exercice du génie au Canada a pour but de protéger la vie, la propriété, les intérêts économiques, le bien-être public et l’environnement [3]. Au Canada, les gouvernements provinciaux et territoriaux reconnaissent depuis longtemps le génie comme une profession et ont conféré aux inscrits le droit exclusif de l’exercice du génie, droit qui s’accompagne des responsabilités de l’autoréglementation.

Grâce à la réglementation de l’exercice de la profession d’ingénieur, le public est convaincu que les inscrits ont la compétence technique et éthique pour servir la société et qu’ils ont l’obligation de faire passer l’intérêt du public en premier. Ne possédant pas les connaissances spécialisées du génie, le public se fait généralement une opinion des inscrits d’après son interprétation de la moralité et de la qualité des pratiques d’ingénierie. Afin de maintenir la confiance du public les inscrits sont tenus de faire preuve de bonne moralité et de se conformer au Code de déontologie de leur zone de compétence afin de maintenir la confiance du public. La preuve de bonne moralité se reflète dans le comportement dans le cadre d’une activité professionnelle, mais peut aussi se refléter dans le comportement personnel.

La profession sait que le public accorde sa confiance avec prudence et que celle-ci doit donc être protégée, car elle est fragile et peut se perdre rapidement. Les organismes de réglementation doivent donc veiller, dans l’intérêt public, à s’assurer que :

  1. Tous les demandeurs de permis sont de bonne moralité avant leur admission ;
  2. Tous les inscrits continuent de faire preuve de bonne moralité et maintiennent la réputation de la profession.

Cette exigence n’est pas unique. En fait, les professions autoréglementées au Canada (par exemple, les professions de soins de santé, juridiques, comptables, etc.) ont généralement des obligations semblables et pour des motifs semblables. Autoréglementation et confiance vont de pair et la façon la plus simple de gagner et de maintenir cette confiance passe par la bonne moralité des inscrits.

3 Définir la bonne moralité

3.1 Définition

On considère généralement que la bonne moralité comprend trois éléments :

  1. La capacité de faire la différence entre le bien et le mal ;
  2. Le courage de faire ce qui est bien, quelles qu’en soient les conséquences individuelles ;
  3. La capacité d’évaluer ces qualités dans le contexte de l’exercice de la profession dans l'intérêt supérieur du public.

3.2 Caractéristiques

Il peut s’avérer difficile d’évaluer la moralité de quelqu’un, à moins de pouvoir l’observer dans la prise du genre de décisions décrites ci-dessus. Malgré ces limites, il est possible de procéder à ces observations dans divers environnements, y compris les environnements virtuels et non professionnels. Dès lors, il peut être utile de définir les caractéristiques de bonne moralité les plus faciles à observer et évaluer.

Les caractéristiques courantes de la bonne moralité comprennent, entre autres [4] :

  • La loyauté : la personne loyale est honnête, transparente et digne de confiance – elle conforme ses actes à ses paroles. Elle a le courage de faire la bonne chose et ne trompe pas, ne fait pas de fausses déclarations, ne triche pas et ne vole pas.
  • Le respect : faire preuve de respect signifie tenir compte d’autrui et ne pas encourager ni permettre un comportement discriminatoire. Cela signifie aussi faire preuve de courtoisie et traiter les autres avec dignité (par exemple, en ce qui concerne l'identité de genre, l'orientation sexuelle, l'identité autochtone, l'âge, l'identité raciale, l'origine ethnique, le handicap visible ou invisible, la forme et la taille du corps, la situation de famille, le niveau d’éducation, etc.) La personne respectueuse prend des décisions qui montrent qu'elle accorde de l'importance à sa santé et à celle des autres et qu’elle fait attention aux personnes et aux biens.
  • La responsabilité : être responsable signifie comprendre les conséquences de nos actes. On est responsable de nos choix et de nos décisions de même que de leur impact et on ne rejette pas le blâme sur les autres (y compris le fait d’accepter les processus des systèmes juridiques ou administratifs et de se conformer aux résultats). Les gens responsables s’efforcent de faire de leur mieux, font preuve d’humilité et sont capables d’accepter les critiques, et ils persévèrent même quand les choses ne se passent pas comme prévu.
  • L'équité : être équitable, c’est traiter les autres de manière juste et équitable, sans favoritisme ni discrimination, c’est faire preuve d’ouverture d’esprit et d’empathie et être à l’écoute des autres. C’est aussi ne pas profiter des autres ni les blâmer pour des résultats indépendants de leur volonté.
  • L’intégrité : être intègre signifie avoir la capacité de distinguer le bien du mal, faire des choix éthiques et avoir le courage de faire ce qui est juste pour assurer le bien-être et la sécurité d’autrui. Les personnes intègres appliquent des normes éthiques élevées, respectent l'état de droit, notamment les principes (c'est-à-dire les lignes directrices sous-jacentes qui influencent les actes et les décisions qui sont conformes aux normes morales et éthiques) et les règlements sur les droits de la personne, et agissent dans l'intérêt du bien commun. Elles se conduisent avec honnêteté et franchise.

Bien qu’il ne s’agisse pas d’une liste exhaustive, ces qualités sont des indicateurs qui nous amènent à croire qu’une personne possède une bonne moralité. Il existe de nombreuses autres caractéristiques de la bonne moralité, comme l'inclusivité, la transparence, la conscience des préjugés, l'honnêteté, l'empathie et la compassion pour la vie et le bien-être humains et l'ouverture d’esprit.

Les personnes qui prônent la sécurité et la santé des communautés où elles vivent, travaillent et s’impliquent, notamment sur le plan physique, social et psychologique, sont réputées avoir une bonne moralité, car elles démontrent et incarnent bon nombre des caractéristiques susmentionnées. En revanche, commettre des crimes de turpitude morale (voir l'annexe A) ou enfreindre la Loi canadienne sur les droits de la personne (voir l’annexe B) peut révéler qu'une personne ne possède pas ces caractéristiques, ce qui pourrait donner lieu à une enquête sur sa moralité (voir l’annexe C).  

4 Évaluer la moralité

4.1 Les demandeurs de permis

Pour évaluer la moralité des demandeurs de permis, les organismes de réglementation ont recours à des outils comme les suivants :

  • Des références sur la moralité ;
  • Des questions portant sur la moralité dans le formulaire de demande ;
    • Déclaration de demandes, de permis d’exercice ou de mesures disciplinaires dans d'autres zones de compétence 
    • Déclaration d'exactitude des informations fournies dans le formulaire de candidature
  • L’imposition de l’examen sur l’exercice de la profession, qui renferme des questions sur la loi et l’éthique ;
  • Une vérification des antécédents criminels.

Comme il est indiqué dans l’introduction, l’évaluation de la moralité peut être subjective, de sorte qu’il est important d’étudier l’information en provenance de plusieurs sources pour faire une évaluation. La découverte d’un point négatif dans un domaine ne signifie pas que le permis sera refusé à un demandeur, mais simplement que d’autres vérifications ou une évaluation plus approfondie s’imposent.

Les outils d’évaluation énumérés ci-dessous permettent d’obtenir les types de renseignements suivants.

4.1.1 Les références

Selon la zone de compétence, il peut être exigé du demandeur qu’il fournisse des références de moralité de la part d’ingénieurs ou d’autres personnes qui ont eu l’occasion d’observer de près son comportement et qui peuvent attester directement sa moralité. On demande à ces personnes de commenter des caractéristiques précises comme l’intégrité, l’honnêteté et la loyauté. L’évaluation de la moralité étant subjective, il faut obtenir plusieurs références. Parmi les exemples de comportements inadéquats qui peuvent être évoqués dans ces évaluations, citons le harcèlement, la discrimination, l’intimidation ou les brimades à l’égard de pairs, de subordonnés, de clients ou de superviseurs.

4.1.2 Le formulaire de demande

Les questions figurant sur le formulaire de demande couvrent tout un éventail de domaines, dont les enquêtes, le blâme, les sanctions ou l’exclusion d’autres zones de compétences ou organismes de réglementation (pour cause de négligence, de pratique non professionnelle ou de manque de compétence), les infractions criminelles, etc. Une déclaration d'exactitude des informations fournies est généralement exigée.

4.1.3 L’examen sur l’exercice de la profession

Les organismes de réglementation imposent le passage de l’examen sur l’exercice de la profession afin de déterminer si un demandeur comprend bien les questions juridiques et déontologiques. Si un demandeur ne réussit pas cet examen, cela pourrait signifier qu’il n’est pas bien outillé pour réagir aux problèmes de déontologie qui se posent dans l’exercice de la profession.

4.1.4 La vérification des antécédents criminels

Étant donné que l’exigence de bonne moralité des inscrits a pour but de maintenir la confiance du public envers eux, les crimes de turpitude morale, qui se définissent comme une « conduite jugée contraire aux normes collectives en matière de justice, d’honnêteté et de bonnes mœurs » devraient représenter des champs de préoccupation importants pour les organismes de réglementation canadiens. Les annexes A et B présentent une liste des crimes de turpitude morale et de violation des droits de la personne.

4.2 Les inscrits

Une fois que les demandeurs ont acquis leur titre professionnel auprès de l’organisme de réglementation pertinent, on s’attend à ce qu’ils continuent de faire preuve de bonne moralité et qu’ils respectent des normes rigoureuses en matière de comportement professionnel. C’est par l’entremise du processus disciplinaire que les inscrits doivent rendre compte de leur comportement. La plupart des organismes de réglementation ne soumettent pas automatiquement les inscrits à une enquête en matière d’infractions criminelles. Cependant, n’importe qui peut déposer une plainte contre un inscrit, y compris le public, et une condamnation pour infraction criminelle justifierait une plainte et, par la suite, une enquête.  L'annexe C fournit des informations sur les enquêtes de moralité.

Comme les organismes de réglementation veillent en premier lieu à la sécurité et à l’intérêt du public et en second lieu à la réputation de la profession, les crimes remettant en cause la capacité du membre inscrit à maintenir ces valeurs sont considérés comme les plus importants. Les crimes de turpitude morale peuvent donc justifier une déclaration de « conduite indigne d’un membre » ou son équivalent.

Comme pour l’évaluation des candidats au permis d’exercice, des références de moralité peuvent être utilisées dans les processus disciplinaires d’enquête : habituellement, on demande à deux personnes au moins de faire part de leurs observations personnelles du comportement, en fonction de la plainte.

5 Exemples

Les exemples suivants illustrent la manière dont les organismes de réglementation du génie du Canada procèdent pour évaluer la moralité. La terminologie, les processus et les résultats peuvent varier d'une zone de compétence à l'autre.

5.1 Les demandeurs de permis

5.1.1 La vérification des antécédents criminels

Un demandeur était inscrit à un programme d’ingénieur stagiaire. On a découvert par la suite qu’il n’avait pas soumis correctement les renseignements obligatoires sur son dossier criminel, bien que le formulaire de demande l’exige. Le comité d’inscription de l’organisme de réglementation a enquêté sur la question, a mené une entrevue avec le demandeur et a fini par refuser la demande d’inscription pour défaut de moralité aux motifs suivants :

  • Le demandeur n’a pas assumé sa responsabilité à l’égard des crimes commis;
  • Le demandeur a fait une fausse déclaration sur son formulaire d’inscription;
  • Le demandeur n’a pas fait preuve de franchise au cours de l’entretien.

5.1.2 Les antécédents de mauvaise moralité

Un ancien inscrit, qui avait été radié du tableau des membres pour non-paiement de cotisations, a demandé à être réadmis. Entre le moment de sa radiation et sa demande de réadmission, il a fait l’objet de mesures disciplinaires. En examinant sa demande de réadmission, le comité d’inscription a constaté qu’il avait fait l’objet d’un certain nombre de sanctions disciplinaires et a donc jugé qu’un entretien s’imposait. On lui a demandé d’expliquer le contexte des questions disciplinaires, de donner la preuve de sa réhabilitation et d’indiquer quelles méthodes il allait suivre pour éviter de futures plaintes du public, mais il n’a pas obtempéré. Sa demande de réadmission lui a par la suite été refusée pour défaut de moralité aux motifs suivants :

  • Le demandeur n’a pas assumé la responsabilité des actes ayant entraîné de nombreuses mesures disciplinaires;
  • Le demandeur n’avait aucun plan pour éviter la répétition de ces actes;
  • Le demandeur était insouciant à l’égard de son devoir de maintenir et de renforcer l’honneur, l’intégrité et la dignité de la profession d’ingénieur.

5.1.3 La falsification de documents

Un demandeur suivait un programme d’ingénieur stagiaire lorsqu’on a découvert que les notes inscrites sur son relevé de notes de premier cycle avaient été falsifiées pour lui permettre de se faire accepter dans un programme de cycle supérieur en génie au Canada. Le comité d’inscription a exigé de l’ingénieur stagiaire qu’il fasse une déclaration sous serment indiquant qu’il n’avait jamais falsifié ni modifié de diplômes ou de relevés de notes, ni utilisé un document falsifié ou modifié, ni fait toute autre assertion trompeuse dans le but d’être admis dans un programme universitaire ou de faciliter son inscription à un organisme de réglementation du génie. L’ingénieur stagiaire n’a pu faire cette déclaration sous serment et confirmé avoir falsifié ses notes pour se faire accepter dans un programme de cycle supérieur. Le comité d’inscription a informé l’ingénieur stagiaire que, si l’organisme de réglementation recevait une demande d’inscription à titre d’ingénieur de sa part :

  • Cette situation serait étudiée sous l’angle de l’exigence de bonne moralité;
  • L’organisme de réglementation demanderait quelles mesures ont été prises pour atténuer la situation;
  • Le conseil pourrait tenir une audience portant sur l’aptitude à l’inscription du candidat, compte tenu de l’exigence de bonne moralité de l’organisme de réglementation.

5.1.4 Fraude de validation dans le système d’évaluation sur la base des compétences (EBC)

Un demandeur suivait un programme d'ingénieur stagiaire. Le système EBC a détecté une activité frauduleuse et a signalé à l’organisme de réglementation que le demandeur avait peut-être fourni des renseignements falsifiés au validateur. Le comité d'inscription a contacté le demandeur pour discuter de cette fraude potentielle de validation qui a été détectée. Ce dernier n'a pas coopéré et n'a pas fourni d'explication raisonnable ni de preuve vérifiable d'un validateur réel. Sa demande de permis lui a par la suite été refusée pour défaut de moralité aux motifs suivants :

  • Le demandeur a fourni des informations falsifiées dans le système EBC;
  • Le demandeur n’a pas assumé la responsabilité de ses actes.

5.2 Les inscrits

Les exemples suivants illustrent de quelle manière la moralité a été utilisée dans les enquêtes et les mesures disciplinaires à l’endroit de membres inscrits des organismes de réglementation du génie au Canada.

5.2.1 Le manque de loyauté

Un membre inscrit a été trouvé coupable d’avoir signé des feuilles de papier vierges et d’avoir apposé son sceau dessus. Il a été suspendu pour trois mois et a dû passer et réussir l’examen sur l’exercice de la profession.

5.2.2 Le manque de loyauté et d’équité

On a découvert qu’un membre inscrit, ingénieur de chantier pour le compte du ministère des Forêts et alors responsable de l’octroi de contrats d’ingénierie, avait créé une entreprise au nom de son épouse, soumissionné pour des contrats du ministère et effectué du travail à cet égard pendant ses heures de travail au ministère. Il a été suspendu pendant quatorze mois.

5.2.3 Le manque de respect, de compassion ou d’intégrité

i. Un membre inscrit qui était préoccupé par l’état de la structure d’un pont a expédié des courriels dans lesquels il taxait d’incompétence l’ingénieur responsable. Cette déclaration était non fondée et manquait de preuves. Pour ces raisons, le membre inscrit a été suspendu jusqu’à ce qu’il soit prêt à s’excuser de sa conduite.

ii. On a découvert qu’un membre inscrit avait fait de la discrimination envers une ingénieure diplômée, ayant utilisé des termes désobligeants lorsqu’il s’adressait à elle et ayant dit des choses comme : « Tu peux danser pour moi sur la table, mais tu ne travailleras jamais pour moi ». Il a été trouvé coupable d’écarts de conduite professionnelle et ses actes ont été jugés « disgracieux, déshonorants et manquant de professionnalisme ». Son permis a été suspendu pendant douze mois, avec la condition de suivre un cours sur la sensibilité aux genres et de payer les frais de l’audience du comité de discipline pour le rétablissement de son permis.

iii. Un inscrit a été trouvé coupable d’écarts de conduite professionnelle pour s’être adressé en criant à une de ses collègues à plusieurs reprises en dépit du fait qu’il avait reçu d’elle une communication écrite indiquant que ce genre de comportement la bouleversait et aggravait ses problèmes de santé. Celle-ci a fini par quitter son emploi en raison de ce comportement abusif. Un comité de discipline a conclu que ce comportement était « suffisamment extrême pour avoir des répercussions néfastes sur le membre et la profession » et constituait donc un écart de conduite professionnelle. À la suite de cette accusation et de quatre autres accusations déposées simultanément, reliées à de la facturation exagérée et incohérente ainsi qu’à la jouissance inadéquate et injustifiée de privilèges, il a été établi que le membre inscrit avait agi de manière déshonorante et disgracieuse et avait fait preuve de manque d’intégrité. Ainsi, afin de protéger le public, de préserver l’intégrité de la profession, de dissuader d’autres personnes d’adopter ce genre de pratiques d’affaires peu recommandables et de dénoncer cette conduite, l’inscrit a été condamné à une amende de 5 000 $ et son permis a été suspendu pendant huit mois.

5.2.4 Le manque de responsabilité

Un membre inscrit a reçu un avis d’audience en raison de six allégations de conduite non professionnelle. Le membre inscrit a refusé d’assister à l’audience disciplinaire et a suggéré que le Comité d’audience n’avait pas la compétence nécessaire pour procéder à l’audience. Le Comité d’audience a conclu qu’il avait bien la compétence nécessaire et l’audience a eu lieu en l’absence du membre inscrit. Ce dernier a accusé des employés et des représentants d’un organisme de réglementation d’incompétence, de stupidité, d’inconduite, de collusion, de complot visant à dissimuler des activités illégales et a laissé entendre qu’il avait réagi à une ingérence politique. Il a été conclu que ces accusations étaient sans fondement et qu’elles témoignaient du manque de respect flagrant du membre inscrit envers son organisme de réglementation, et que sa conduite portait atteinte à l’honneur, à la dignité et à la réputation de l’organisme de réglementation, étant donné que le membre rejetait et insultait l’autorité de l’organisme et tentait d’empêcher ce dernier d’accomplir son devoir public d’enquêter sur les plaintes contre le membre inscrit. Après avoir reçu les observations du Comité d’enquête et du membre inscrit, le Comité d’audience a conclu que « le membre inscrit était ingouvernable et qu’il ne pouvait plus conserver son statut de membre de la profession ». Le permis d’exercice du membre a été révoqué, de sorte que le membre n’avait plus le droit de s’inscrire auprès de son organisme de réglementation et on lui a imposé une amende de 10 000 $, ainsi que les dépens.

5.2.5 Les condamnations

Ayant appris qu’un de ses membres inscrits avait été accusé et reconnu coupable de possession de pornographie juvénile, un organisme de réglementation a ouvert une enquête. L’inscrit a signé une « entente de démission » avec le comité responsable de l’enquête, il a démissionné et a accepté de ne pas demander sa réadmission avant au moins sept ans. Le comité a établi que, si l’inscrit souhaitait demander à être réadmis, il devrait, avant de pouvoir l’être, convaincre le conseil de sa bonne moralité et de sa bonne réputation et du fait que sa condamnation ne le rendait pas inapte.

Annexe A

Voici une liste des crimes de turpitude morale, selon la définition donnée dans le Foreign Affairs Manual du département d’État des États-Unis . Ces crimes démontrent une conduite jugée contraire aux normes collectives en matière de justice, d’honnêteté et de bonnes mœurs. La déclaration de culpabilité pour n’importe lequel de ces crimes devrait normalement donner lieu à une enquête sur la moralité de la personne.

Crimes contre la propriété

Fraude :

  • Fausse assertion;
  • Connaissance de ladite fausse assertion par celui qui la fait;
  • Confiance en la fausse assertion de la part de la personne escroquée;
  • Intention d’escroquer;
  • Fait de commettre une fraude comme telle.

Intentions malveillantes :

  • Incendie volontaire;
  • Chantage;
  • Cambriolage;
  • Détournement de fonds;
  • Extorsion;
  • Manœuvres frauduleuses;
  • Contrefaçon;
  • Fraude;
  • Vol au premier degré ou larcin;
  • Destruction malveillante de biens;
  • Recel de marchandises volées (en connaissance coupable);
  • Vol qualifié;
  • Vol (avec l’intention de s’emparer du bien de façon permanente);
  • Transport de biens volés (en connaissance coupable).

Crimes commis contre les pouvoirs gouvernementaux

  • Corruption;
  • Contrefaçon;
  • Fraude contre le ministère du Revenu ou d’autres fonctions gouvernementales;
  • Fraude postale;
  • Parjure;
  • Hébergement de fugitif recherché par la justice (en connaissance coupable);
  • Fraude fiscale (volontaire).

Crimes commis contre la personne, les rapports familiaux et la moralité sexuelle

  • Abandon d’un enfant mineur (lorsque volontaire et entraînant la destitution de l’enfant);
  • Voies de fait (ce type de crime est divisé en plusieurs catégories concernant la turpitude morale) :
    • Voies de fait avec l’intention de tuer, de commettre un viol ou une agression sexuelle, de commettre un vol ou de causer des blessures graves
    • Voies de fait avec une arme dangereuse ou meurtrière
  • Bigamie;
  • Fraude liée à la paternité;
  • Contribution à la délinquance d’un mineur;
  • Grossière indécence;
  • Inceste (s’il résulte d’une relation sexuelle inappropriée);
  • Enlèvement;
  • Libertinage;
  • Homicide :
    • Volontaire
    • Involontaire (lorsque la loi exige une preuve d’insouciance, qui se définit comme la connaissance et l’abstraction consciente d’un risque substantiel et injustifié constituant un écart manifeste par rapport à la norme qu’une personne raisonnable respecterait dans la situation en question. Une condamnation pour infraction d’homicide commis au volant d’un véhicule automobile ou autre homicide involontaire n’exigera que la preuve de négligence et ne mettra pas en jeu la turpitude morale même s’il semble que le défenseur ait en réalité fait preuve d’insouciance.)
  • Mutilation;
  • Meurtre;
  • Proxénétisme;
  • Prostitution;
  • Viol (y compris le « viol au sens de la loi » en raison de l’âge de la victime) et agression sexuelle.

Tentatives, participation et incitation, complicité et conspiration

  • Tentative de commettre un crime considéré comme un crime de turpitude morale;
  • Participation et incitation à commettre un crime considéré comme un crime de turpitude morale;
  • Fait d’être complice (avant ou après le fait) d’un crime considéré comme un crime de turpitude morale;
  • Participation à une conspiration (ou tentative de participer à une conspiration) en vue de commettre un crime de turpitude morale lorsque la tentative de crime ne constitue pas en elle-même de la turpitude morale.

Annexe B

La liste qui suit présente les motifs de discrimination illicites, tels que définis par la Loi canadienne sur les droits de la personne. Les violations des droits de la personne devraient normalement donner lieu à une enquête sur la moralité d'une personne.

Violations des droits de la personne selon la Loi canadienne sur les droits de la personne 

  • Discrimination fondée sur :
    • La race;
    • L’origine nationale ou ethnique;
    • La couleur;
    • la religion;
    • L’âge;
    • le sexe;
    • L’orientation sexuelle;
    • L’identité ou l’expression de genre;
    • L’état matrimonial;
    • La situation de famille;
    • Les caractéristiques génétiques;
    • La déficience;
    • Une condamnation qui a fait l'objet d'une réhabilitation ou d'une suspension du casier judiciaire (ou état de personne graciée).

Annexe C

Les principes suivants décrivent de quelle manière les organismes de réglementation du génie peuvent faire enquête sur un cas d’éventuelle « mauvaise » moralité. Ces principes ne visent pas à établir la bonne moralité d'un inscrit.

Enquêtes sur la moralité des inscrits

En règle générale, la moralité ne fait l’objet d’une enquête que s’il y a des signes de « mauvaise » moralité. Il s’agit généralement de circonstances établissant des motifs raisonnables de croire qu’un inscrit n’agira pas, ou n’a pas agi, ou n’exercera pas ou n’a pas exercé, le génie conformément à la Loi sur les ingénieurs, aux règlements, aux règlements administratifs ou au Code de déontologie de sa zone de compétence. Les organismes de réglementation peuvent également mener une enquête de moralité à la suite d’une plainte ou d’un signalement au sujet d’un inscrit et/ou lorsqu’on leur présente des éléments de preuve d’inconduite professionnelle, d’incompétence professionnelle, d’un manque de compétence, de crimes de turpitude morale et/ou d’infractions à la Loi canadienne sur les droits de la personne.

La plupart des organismes de réglementation examineront également ces circonstances s’ils ont des raisons de croire qu’une personne (il est important de souligner que cette liste n’est pas exhaustive et que d’autres circonstances peuvent donner lieu à des enquêtes menées par un organisme de réglementation) :

  1. A contrevenu à une loi  relative à l'exercice de la profession d'ingénieur;
  2. A commis un acte criminel pour lequel elle n’a pas obtenu d’absolution ni de suspension de casier en vertu de la Loi sur le casier judiciaire (incluant la condamnation§, l’absolution** et la suspension de casier††). Il revient à chaque organisme de réglementation de décider quel type de verdict déclenche une enquête de moralité;
  3.  A été trouvée fautive dans le cadre d’une poursuite civile pour négligence dans l’exercice de la profession ou d’une poursuite civile qui demeure non exécutée ou non réglée;
  4. A obtenu ou tenté d’obtenir, intentionnellement, son inscription ou le renouvellement de son inscription en recourant à la tricherie, à la fraude ou à la fabrication de faux documents;
  5. Fait l’objet d’une enquête menée par d'autres zones de compétence ou organismes de réglementation.

L'ouverture d'une enquête de moralité n'entraîne pas nécessairement la décision de prendre des mesures disciplinaires ou d'application. Il appartient à chaque organisme de réglementation de décider des mesures à prendre en fonction de ses conclusions.

Les principes suivants sont considérés comme des pratiques exemplaires et représentent des considérations qui devraient guider les enquêtes de moralité dans des situations comme celles qui sont décrites ci-dessus :

  1. La détermination de la moralité devrait se faire de façon objective, ouverte et transparente. Cela suppose que l'organisme de réglementation dispose d'une formation suffisante et de critères adéquats pour déterminer et évaluer la manière dont le comportement ou la conduite antérieurs sont pris en compte dans l'enquête.
  2. Toutes les personnes concernées devraient être traitées équitablement et dans le respect des procédures établies.
  3. Tous les éléments de preuve pris en compte dans l’évaluation de la moralité devraient être corroborés.
  4. Tous les inscrits et les demandeurs devraient être informés de la plainte ou des plaintes à leur encontre et des enquêtes subséquentes et avoir la possibilité de répondre aux préoccupations ou aux questions.
  5. L’examen de toute conduite ayant tendance à mettre en doute la moralité d’une personne devrait tenir compte, notamment, des aspects suivants :
    1. La nature de la conduite et les parties en cause;
    2. Le temps écoulé depuis la conduite;
    3. L’attitude de la personne à l’égard de sa conduite;
    4. La démarche corrective entreprise depuis la conduite;
    5. Le fait que la conduite puisse constituer une infraction aux règlements législatifs ou administratifs;
    6. Les explications fournies par la personne;
    7. Les circonstances atténuantes.
  6. L’organisme de réglementation devrait respecter la confidentialité de toutes les parties et ne divulguer l’information que si cela est nécessaire ou exigé par la loi.
  7. Bien qu’une personne puisse se développer personnellement et s'efforcer de surmonter ses défauts de moralité passés, le simple passage du temps, sans preuve de développement personnel ni d'efforts pour surmonter les défauts de moralité, n'indique pas automatiquement que ces défauts ont été corrigés. 
  8. La détermination de la moralité devrait être exempte de toute discrimination, quelle qu’elle soit, tel que stipulé dans le code canadien des droits de la personne ou tout autre code des droits de la personne qui s’applique dans la zone de compétence concernée. La non-discrimination doit tenir compte des préjugés qui peuvent influencer les personnes participant au processus d'évaluation de la moralité ou être intégrés dans les systèmes et les structures.

Bibliographie

Commission canadienne des droits de la personne, Gouvernement du Canada, 2024, https://www.chrc-ccdp.gc.ca/fr/droits-de-la-personne/quest-ce-que-la-discrimination

Certified Management Accountants of Ontario, Determination of Good Character Regulation, consulté le 4 mars 2013.

Foreign Affairs Manual (FAM), U.S. Department of State, 2022,  

https://fam.state.gov/FAM/09FAM/09FAM030203.html#M302_3_2_B_2

Site Web de la législation (Justice), gouvernement du Canada, 2022, https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/h-6/

Site Web de la législation (Justice), gouvernement du Canada, 2024,  https://www.justice.gc.ca/fra/sjc-csj/ajc-ccs/06.html

National Professional Practice Exam (NPPE), Professional Engineers Ontario, 2022, https://www.peo.on.ca/apply/become-professional-engineer/national-professional-practice-exam

Loi sur les ingénieurs, L.R.O. 1990, chap. P.28, 2021, Lois de l’Ontario, https://www.ontario.ca/fr/lois/loi/90p28

Notes de fin

[1] Ingénieurs-ici, Ingénieurs Canada, Les cinq exigences pour obtenir un permis d’exercice au Canada, en ligne : https://engineerhere.ca/fr/exercer-le-genie-au-canada/les-cinq-exigences. Consulté le 5 janvier 2023.

[2] Paul Robert, Le nouveau Petit Robert, Dictionnaires Le Robert, Paris, 2010

[3] Ingénieurs Canada, Exercice de la profession d’ingénieur au Canada – Guide public, en ligne, https://engineerscanada.ca/fr/exercice-de-la-profession-dingenieur-au-canada-guide-public. Consulté le 5 janvier 2023.

[4] Ingénieurs Canada, Guide sur le Code de déontologie, en ligne, https://engineerscanada.ca/fr/code-de-deontologie-guide-public#-principes-directeurs. Consulté le 9 mai 2022.

Notes

*« Inscrit » s’entend d’une personne inscrite auprès d’un organisme de réglementation du génie et peut inclure, notamment, les ingénieurs, les ingénieurs stagiaires, les membres stagiaires, les stagiaires en génie et les titulaires de permis.

La définition américaine des crimes qui impliquent une turpitude morale est employée dans tout le Canada.

Désigne une loi adoptée par le pouvoir législatif d'un gouvernement (c'est-à-dire les lois, les règlements, les lignes directrices et les règles régissant l’exercice du génie).

§Une « condamnation » est un verdict de culpabilité à la suite d’un procès ou d’un plaidoyer de culpabilité. La condamnation apparaît sur le casier judiciaire de la personne.

**Une « absolution » est un verdict de culpabilité, mais pas une condamnation. L’absolution est généralement octroyée lorsque le contrevenant n’a pas d’antécédents judiciaires et que l’infraction est mineure. L’absolution n’apparaît pas toujours sur le casier judiciaire. Elle apparaît, par exemple, dans le cas de la vérification du casier judiciaire d’une personne appelée à travailler auprès de personnes vulnérables. La personne qui obtient une absolution peut déclarer en toute honnêteté qu’elle n’a jamais été reconnue coupable d’un acte criminel.

††La « suspension de casier » (auparavant appelée pardon) permet aux personnes qui ont été reconnues coupables d’un acte criminel de faire sceller leur casier judiciaire pour que la condamnation n’apparaisse pas lors d’une recherche de casier judiciaire. La suspension de casier est accordée en vertu de la Loi sur le casier judiciaire, alors que l’absolution est accordée par un juge.