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Les guides nationaux et les documents d'Ingénieurs Canada sont élaborés par des ingénieurs, en collaboration avec les organismes de réglementation du génie provinciaux et territoriaux. Ces guides sont destinés à favoriser des pratiques uniformes à l’échelle du pays. Ce ne sont pas des règlements ni des règles. Ils visent à définir et à expliquer certains aspects de l’exercice et de la réglementation du génie au Canada.

Les guides nationaux et documents d'Ingénieurs Canada n’établissent pas de norme légale de diligence ou de conduite et ne comprennent ni ne constituent d’avis juridique ou professionnel
Au Canada, le génie est réglementé par les organismes de réglementation du génie en vertu des lois provinciales et territoriales. Ces organismes sont libres d’adopter, entièrement ou en partie, les recommandations contenues dans les guides nationaux et les documents d'Ingénieurs Canada ou de ne pas les adopter. Il revient à l’organisme de réglementation de la province ou du territoire où exerce ou envisage d'exercer l’ingénieur de décider du bien-fondé d’une pratique ou d’une ligne de conduite.

À propos de ce document d'Ingénieurs Canada
Ce document d'Ingénieurs Canada national a été préparé par le Bureau canadien des conditions d’admission en génie (BCCAG) en concertation avec les organismes de réglementation et il est destiné à fournir des orientations à ces organismes. Le lecteur est invité à consulter en même temps les lois et règlements pertinents de l’organisme de réglementation dont il dépend.

À propos d’Ingénieurs Canada
Ingénieurs Canada est l’organisme national constitué des ordres provinciaux et territoriaux qui sont chargés de réglementer l’exercice du génie au Canada et de délivrer les permis d’exercice aux 295 000 membres de la profession. 

À propos du Bureau canadien des conditions d’admission en génie
Le Bureau canadien des conditions d’admission en génie est un comité du conseil d’Ingénieurs Canada composé de bénévoles. Il a pour rôle d’offrir du leadership national et des recommandations aux organismes de réglementation en ce qui concerne l’exercice du génie au Canada. À cet égard, il élabore à l’intention des organismes de réglementation et du public des guides et des documents d'Ingénieurs Canada qui permettent d’évaluer les compétences en génie, facilitent la mobilité des ingénieurs et favorisent l’excellence en matière d’exercice et de réglementation du génie.

À propos de l’équité, la diversité et l’inclusion
Par sa nature, le génie est une profession de collaboration. Les ingénieurs collaborent avec des personnes d’horizons divers pour s’acquitter de leurs obligations, de leurs tâches, et de leurs responsabilités professionnelles. Bien que le changement culturel soit une responsabilité collective, les ingénieurs ne sont pas censés s’attaquer à ces questions de façon indépendante. Ils peuvent donc solliciter l’expertise de professionnels de l’équité, de la diversité et de l’inclusion (EDI), et faire appel à des personnes ayant une expertise en matière de changement culturel et de justice, et sont encouragés à le faire. 

1 Introduction

Les ingénieurs doivent être conscients des conflits d’intérêts et savoir comment les éviter ou les gérer. Ce guide modèle présente sept grands types d’intérêts et trois aspects importants des conflits qui peuvent survenir et auxquels les professionnels doivent être sensibilisés dans leur travail et dans leur exercice du génie. Les sept grands types d’intérêts présentés sont les suivants :

  • Personnel
  • Du client
  • Professionnel
  • De l’employeur
  • De l’organisation
  • De la profession
  • Public

Les trois aspects importants des conflits d’intérêts sont les suivants :

  • Réel
  • Potentiel
  • Perçu

Il est essentiel d’éviter les conflits d’intérêts réels, potentiels et perçus afin d’assurer le plus haut niveau d’intégrité et de maintenir la confiance du public. 

Par exemple, un conflit d’intérêts survient lorsqu’un professionnel a le devoir ou l’obligation d’agir dans le meilleur intérêt d’un client, tout en ayant simultanément des motivations, des obligations ou des intérêts qui le poussent à agir de façon contraire. En ce qui concerne les ingénieurs, un conflit d’intérêts naît lorsque leur jugement professionnel est influencé par des considérations qui ne relèvent ni de l’intérêt du client, ni de l’intérêt du public.[1]

Ce guide a été élaboré afin d’aider les ingénieurs à gérer leurs activités de manière à éviter les conflits d’intérêts. Il présente une définition élargie des conflits d’intérêts et de l’information sur la façon de les reconnaître, de les éviter et de les gérer. Il se conclut par des exemples illustrant certains types de conflits d’intérêts auxquels l’ingénieur peut faire face.

2 Conflit d’intérêts

L’introduction énumérait sept types d’intérêts et trois types de conflits, que nous allons maintenant explorer. Bien que ce document porte sur le conflit d’intérêts ingénieur/client, rappelons que tout conflit peut entraîner d’autres conséquences se traduisant par des conflits entre les cinq autres intérêts, tels que l’intérêt professionnel, l’intérêt de l’employeur, l’intérêt de l’organisation, l’intérêt de la profession et l’intérêt public.

Le Code de déontologie d’Ingénieurs Canada stipule que l’ingénieur doit « Agir avec loyauté envers ses clients ou son employeur, respecter la confidentialité et éviter les conflits d'intérêts. » À titre de professionnel, l’ingénieur doit agir de manière à maintenir la confiance de chaque client individuellement et du public collectivement. Lorsqu’il existe des conflits d’intérêts mal gérés, cela amène le public à douter de l’honnêteté et de la fiabilité des professionnels. L’apparence de conflit d’intérêts porte en effet tout autant atteinte à l’honneur, à la dignité et à la crédibilité de la profession qu’un réel conflit d’intérêts. En outre, une mauvaise gestion aggravée d’un conflit d’intérêts peut mener à des cas d’inconduite professionnelle. Pour cette raison, tous les conflits d’intérêts potentiels doivent être correctement déclarés et gérés.

Les conflits d’intérêts ne se limitent pas à des particuliers. Les entreprises et les organisations peuvent elles aussi être en conflit d’intérêts. Par exemple, si une entreprise offre à un client deux services différents qui sont motivés par des intérêts contraires ou paraissent inadmissibles, comme fournir des pièces et participer à un comité de sélection chargé de comparer des fabricants de pièces, il existe alors un conflit d’intérêts organisationnel. De la même façon que les particuliers doivent se prémunir contre les conflits d’intérêts, les organisations devraient également se doter de procédures pour reconnaître, éviter et gérer les conflits d’intérêts.

Les intérêts secondaires pourraient ne pas être répréhensibles en soi, mais ils peuvent susciter, dans le public, des doutes ou des soupçons sur l’intégrité et l’impartialité des personnes en situation d’autorité.[2] Le conflit d’intérêts devient répréhensible quand les intérêts secondaires semblent avoir plus de poids que les intérêts premiers. Dans un conflit d’intérêts, le « conflit » existe, que le professionnel soit ou non influencé par l’intérêt secondaire. Il existe si l’on croit raisonnablement que les circonstances créent le risque que des actions soient indûment influencées par des intérêts secondaires.

Un conflit d’intérêts survient lorsqu’il existe un risque réel ou perçu que l’intérêt personnel de l’ingénieur ou ses devoirs envers un autre client nuisent de façon appréciable à sa loyauté envers un client.[3]

Des conflits d’intérêts potentiels naissent souvent lorsqu’un ingénieur :

  • travaille pour plusieurs clients dans le cadre du même projet ou de projets interreliés;
  • quitte une organisation pour se joindre à un concurrent ou lancer sa propre entreprise, alors qu’une restriction d’emploi est en place;
  • présente un témoignage;
  • comparaît devant un conseil, un tribunal ou une commission;
  • participe à la sélection d’une soumission dans le cadre d’un appel d’offres auquel des parents participent;
  • intervient dans une décision d’embauche concernant des parents;
  • possède des biens personnels ou a des intérêts commerciaux pouvant être touchés par son travail.

3 Comment gérer les conflits d’intérêts

Les exigences à satisfaire pour bien gérer les conflits d’intérêts sont très élémentaires : connaître ses obligations, exercer son jugement, et communiquer et documenter assidument les décisions et les mesures prises pour gérer un conflit d’intérêts.[4] Tous les professionnels préféreraient éviter les conflits d’intérêts, mais il est inévitable que certains surviennent. Le cas échéant, il est important d’avoir une procédure efficace pour les gérer.

La première étape consiste à se doter d’une procédure permettant de rechercher et de reconnaître les conflits d’intérêts, qui sont souvent faciles à détecter avec le recul, mais tendent à commencer de façon tellement banale qu’on ne remarque pas le problème qui est en train de se développer.[5]

Par conséquent, chaque nouveau client ou mandat potentiel devrait être considéré du point de vue du conflit d’intérêts. Les personnes et les organisations devraient avoir des processus en place pour faciliter cette démarche. Voici la première série de questions à poser :

  • Qui est le client?
  • Que suis-je chargé de faire?
  • Qui peut être touché par mon travail?

Une fois cette information recueillie, il est possible de poser des questions plus détaillées :

  • Qui sont les clients actuels dont les intérêts peuvent être opposés à ceux de ce nouveau mandat?
  • Quels sont les mandats actuels qui peuvent être opposés aux intérêts du client dans ce nouveau dossier?
  • Y a-t-il des liens personnels ou familiaux avec le client ou avec une personne touchée par le travail à effectuer pour le client?

Pour répondre à ces questions, il est important de les aborder de différents points de vue : du point de vue du client, du point de vue du public, du point de vue d’autres clients, et du point de vue de l’ensemble de l’organisation.

Voici certaines questions pouvant aider à reconnaître un conflit d’intérêts personnels :

  • Quel est l’intérêt du client?
  • Quel est mon intérêt?
  • Maximiser mon intérêt nuira-t-il à l’intérêt du client?
  • Est-ce que je serai toujours capable de privilégier les intérêts de mon client?
  • Y a-t-il un risque potentiel de différend avec le client concernant ce dossier?

Chaque fois qu’un conflit potentiel est cerné, le professionnel doit l’analyser de façon détaillée pour déterminer si le conflit peut mener à un risque important de manquer au devoir de diligence envers le client. Voici les questions précises à examiner :

  • Quel type de conflit potentiel existe?
  • Y a-t-il un risque de divulgation ou d’utilisation abusive des renseignements confidentiels que je possède déjà ou qui seraient obtenus du nouveau client?
  • Y a-t-il un risque de miner ce nouveau mandat ou de manquer de cohérence par rapport à un autre mandat (et vice versa)?
  • L’exécution de ce nouveau mandat pourrait-elle avoir une incidence sur l’intérêt personnel d’une personne ou de l’ensemble de l’organisation?

Une fois que les réponses à ces questions sont connues, il est alors possible de déterminer un dénouement. Il existe quatre options possibles :

  1. Exécuter le mandat, en mettant en place un écran déontologique (pour assurer la confidentialité nécessaire) (p. ex. : entre différents services de l’entreprise. Dans le premier cas, après analyse, si le professionnel et l’organisation conviennent qu’il n’y a pas de conflit d’intérêts potentiel, le mandat peut être exécuté. Il est sage de documenter cette décision et l’information qui a permis d’arriver à cette conclusion.
  2. Exécuter le mandat, en mettant en place un écran déontologique (pour assurer la confidentialité nécessaire) (p. ex. : entre différents services de l’entreprise). Dans le deuxième cas, il pourrait être suffisant d’ériger des écrans de confidentialité internes, par exemple, entre le service de fabrication et le service de consultation de l’entreprise. À noter que ce plan d’action ne convient qu’en cas de conflit d’intérêts professionnel/professionnel, car il n’est pas possible de créer des écrans de confidentialité dans des situations personnelles (p. ex., quand un conjoint évalue la soumission présentée par son partenaire).
  3. Exécuter le mandat, après avoir informé le ou les clients (le nouveau client et le client existant, le cas échéant) et obtenu leur consentement éclairé. Le troisième cas est souvent la façon la plus simple et la plus efficace de gérer un conflit d’intérêts potentiel. Il s’agit de parler avec toutes les parties des circonstances identifiées qui pourraient les mener à douter du jugement du professionnel. Dans la plupart des cas, il n’y aura pas de conflit perçu (c.-à-d. que les parties sont prêtes à accepter la situation) ou encore, des mesures peuvent être prises pour éliminer toute possibilité qu’un conflit surgisse.[6] Si toutes les parties intéressées conviennent qu’il n’y a pas de conflit d’intérêts, l’ingénieur réduit la possibilité de poursuites et d’accusations d’inconduite professionnelle. Si un accord est impossible, l’ingénieur n’a d’autre choix que de retirer son offre de services, évitant ainsi au client un investissement embarrassant dans des services et éliminant la possibilité d’un litige coûteux.  Dans un cas comme dans l’autre, le processus devrait être documenté, depuis l’analyse du professionnel jusqu’à la conclusion.
  4. Arrêter tout – ne pas accepter le mandat. Dans le dernier cas, il s’agit simplement de refuser le mandat. Dans certaines circonstances, il sera évident qu’un conflit surviendrait vraisemblablement si le mandat était exécuté. Dans ce cas, il est préférable de ne pas accepter le contrat. Le professionnel a un devoir de diligence envers son client et envers le public, et s’il ne peut s’y tenir, il devrait refuser le mandat.

S’il est décidé d’exécuter le travail (cas 2 et 3), il est important de demeurer attentif à tout changement du mandat qui aurait une incidence sur la décision initiale. Il pourrait être nécessaire d’analyser de nouveau le potentiel d’un conflit d’intérêts au cours de l’exécution du mandat.

Il est essentiel pour les professionnels d’avoir des principes clairs à appliquer et des règles à suivre lorsqu’ils évaluent l’existence potentielle d’un conflit. L’évaluation de possibles conflits d’intérêts devrait faire partie des pratiques courantes de l’exercice du génie.

4 Exemples

Les exemples suivants illustrent certains des conflits d’intérêts auxquels peuvent être confrontés les ingénieurs qui fournissent des services ou des produits d’ingénierie. Tous les exemples sont tirés du guide de PEO intitulé « Professional Engineering Practice », daté de janvier 2012.

Cas A

[7]

Les ingénieurs peuvent le plus souvent devenir impliqués dans des conflits d’intérêts lorsqu’ils font face à la possibilité de travailler pour plus d’un client dans le cadre du même projet.

Par exemple, un promoteur immobilier embauche un ingénieur pour réaliser une étude de planification en vue du développement de son terrain. L’ingénieur prépare le rapport, le temps passe, et le promoteur ne demande pas d’informations supplémentaires de la part de l’ingénieur. L’ingénieur est payé pour le travail réalisé. La municipalité où se trouve le développement a besoin d’une opinion d’ingénierie qui porte, entre autres choses, sur ce même terrain. Elle contacte donc l’ingénieur qui a préparé le rapport pour le promoteur, parce que cet

ingénieur possède une expertise dans ce domaine et qu’il a déjà travaillé pour la municipalité.

L’ingénieur est maintenant aux prises avec le problème de travailler, possiblement, pour deux parties différentes, mais qui interviennent toutes deux dans le même dossier. Que devrait-il faire?

Avant d’accepter un mandat de la deuxième partie, l’ingénieur doit reconnaître qu’il y a un conflit d’intérêts potentiel. Un ingénieur prudent expliquera au représentant de la municipalité qu’il a préparé un rapport pour l’un des promoteurs immobiliers. La municipalité pourrait fort bien déterminer qu’il existe un conflit et confier le travail à un autre ingénieur, mettant ainsi fin au conflit potentiel. Ou bien, la municipalité pourrait décider qu’il n’y a pas de conflit et vouloir retenir les services de l’ingénieur. Cependant, cela ne résout pas le conflit potentiel pour l’ingénieur, parce que le promoteur – le premier client – n’est pas partie à cette décision. L’ingénieur devrait informer la municipalité qu’il n’acceptera le mandat que si le promoteur reconnaît, par écrit, qu’il n’y a pas de conflit. Une fois ce consentement par écrit obtenu, l’ingénieur pourra accepter le mandat de la municipalité. Sinon, la municipalité pourrait quand même accepter de retenir les services de l’ingénieur, mais faire affaire avec un autre ingénieur pour tout ce qui touche ce promoteur immobilier particulier.

Cas B

[8]

Dans certaines circonstances, un client pourrait demander à un ingénieur de fournir une opinion d’expert à l’encontre d’un autre client auquel l’ingénieur a régulièrement fourni des services

dans le passé. Le différend ne vise pas les services fournis précédemment par l’ingénieur; il

s’agit simplement d’un cas où un client loyal retient les services de l’ingénieur dans un dossier qui met en jeu un autre client loyal de l’ingénieur. L’ingénieur n’a aucune connaissance préalable du dossier. De toute évidence, dans cet exemple, il n’y a pas de conflit d’intérêts, mais l’ingénieur doit prendre une importante décision d’affaires. L’ingénieur prudent pourrait décider de renoncer à ce mandat.

Cas C

[9]

Ce cas illustre un conflit d’intérêts qui pourrait survenir dans une situation où des praticiens possèdent des informations privilégiées ou confidentielles.

L’entreprise d’ingénierie ABC doit enquêter sur l’effondrement d’un grand entrepôt pour le compte de l’entrepreneur qui l’a construit. Elle affecte à ce projet un ingénieur d’expérience, qui doit travailler en étroite collaboration avec l’avocat et l’ingénieur en chef de l’entrepreneur. Les propriétaires de l’entrepôt retiennent également les services d’un expert en ingénierie par l’intermédiaire de leur avocat. Cet ingénieur est un employé de la société XYZ et collabore étroitement avec l’avocat des propriétaires et le gestionnaire du bâtiment.

Durant les investigations liées au litige, l’ingénieur chevronné d’ABC est épaulé par une jeune ingénieure qui s’occupe des calculs, examine les dessins et plans et l’accompagne lors d’une réunion occasionnelle avec l’avocat et l’ingénieur en chef de l’entrepreneur. Les deux experts rédigent des rapports, et le litige s’éternise. La jeune ingénieure d’ABC est affectée à plusieurs autres projets pendant ce temps, et les années passent sans qu’elle participe de nouveau au dossier de l’effondrement de l’entrepôt.

Par la suite, la jeune ingénieure quitte ABC et est embauchée par XYZ pour travailler au service de conception de ponts. L’avocat de l’entrepreneur en bâtiment apprend que la jeune

ingénieure travaille maintenant pour la société XYZ. L’avocat de l’entrepreneur s’adresse au tribunal pour obtenir une déclaration selon laquelle l’entreprise XYZ n’a plus le droit de continuer à agir pour les propriétaires parce qu’elle est maintenant en possession de l’information privilégiée et confidentielle de l’entrepreneur, obtenue par la jeune ingénieure qui avait travaillé au dossier pour l’entrepreneur.

La Cour suprême du Canada a conclu qu’une telle situation constituait un conflit d’intérêts dans certains cas faisant intervenir des cabinets d’avocats; il a été suggéré que les entreprises d’ingénierie pourraient être exposées aux mêmes conditions. Par exemple, même si la jeune ingénieure de cet exemple n’a jamais été affectée au dossier de l’entrepôt par son nouvel employeur XYZ, il y a une forte présomption que des confidences sont partagées par les ingénieurs; pour les tribunaux, cela pourrait être suffisant pour créer l’apparence d’un conflit d’intérêts.

Il est difficile de se préparer à une telle situation, qui pourrait pourtant être potentiellement très dommageable pour le client de l’entreprise d’ingénierie, car des années d’efforts pourraient être dépréciées. Cela pourrait rendre le client très vulnérable à mesure que la date du procès approche. Pour éviter les problèmes, la société XYZ devrait soit obtenir le consentement de l’entreprise ABC et de ses clients pertinents, soit mettre en place, au moment de l’embauche,

un écran administratif formel séparant la jeune ingénieure de toute information et discussion concernant le dossier. L’entreprise devrait demander l’avis d’un conseiller juridique.

Cas D

[10]

Les ingénieurs sont souvent actifs en dehors de leurs activités professionnelles et font du bénévolat au sein de groupes caritatifs, de conseils d’administration, de partis politiques, etc. De temps à autre, en participant à un groupe de ce genre, un ingénieur pourrait être sollicité pour sélectionner ou nommer un ingénieur qui fournirait des services d’ingénierie au groupe. Cela pourrait placer l’ingénieur en conflit d’intérêts si sa propre entreprise d’ingénierie était en lice pour ce mandat. L’ingénieur devrait reconnaître ce conflit et refuser de participer au processus de sélection, après avoir expliqué les circonstances au groupe qu’il sert.

Cas E

[11]

L’ingénieur M travaille pour l’entreprise XYZ qui développe et vend des produits et services à un large éventail de clients. Son ami N dirige Services ABC, une petite entreprise qui vend un produit spécialisé très différent de ceux qui sont produits par la société XYZ. L’ingénieur M a des idées pour améliorer le produit vendu par Services ABC et offre à son ami N de l’aider. L’ingénieur M élabore la conception en dehors de ses heures de travail, en utilisant les ressources mises à sa disposition par son ami N de Services ABC.

Parce que le produit ne fait pas concurrence aux produits vendus par XYZ et que M n’utilise pas les ressources de XYZ, le travail de M sur ce produit n’entre pas directement en conflit avec ses obligations envers son employeur. Cependant, il est fortement recommandé, et même imposé par la loi dans certaines zones de compétence, que M avise son employeur de ses activités

« parallèles ». Cela est nécessaire pour que son employeur soit informé de circonstances qui pourraient sembler constituer un conflit, si elles étaient découvertes ultérieurement. Le meilleur plan d’action est d’informer immédiatement toutes les parties de la situation et de permettre aux parties d’être assurées qu’il n’y a pas de conflit d’intérêts.

5 Définitions

Client : Désigne généralement une personne, y compris un fonctionnaire, une entreprise, une association ou autre organisation ou entité, publique ou privée, qui reçoit des services de la part d’un fournisseur ou qui consulte un fournisseur dans l’intention d’obtenir ses services.

Conflit d’intérêts : Situation réelle, apparente ou potentielle susceptible d’influencer le jugement et les actes de personnes, d’établissements ou d’autres entités en raison d’intérêts multiples ou divergents. Il peut alors être difficile pour quelqu’un de s’acquitter de ses fonctions de façon impartiale. La perception raisonnable d’un conflit d’intérêts naît lorsqu’une personne de bonne foi, correctement informée de la nature des intérêts d’un décideur, peut raisonnablement percevoir que le décideur peut être influencé dans l’exécution de ses obligations et responsabilités officielles. Un conflit d’intérêts existe même si aucun acte non éthique ni aucune irrégularité n’en découlent. Le conflit d’intérêts peut créer une apparence d’irrégularité susceptible de miner la confiance envers la personne, l’organisation qu’elle représente ou la profession.

Conflit d’intérêts personnels/professionnels : Conflit survenant quand l’intérêt personnel de l’ingénieur entre en conflit avec ses intérêts professionnels (p. ex. : quand la valeur de ses biens personnels est influencée par son travail d’ingénierie).

Conflit d’intérêts professionnels/professionnels :  Conflit survenant quand les intérêts d’un client sont en concurrence avec ceux d’un autre client, ou quand l’ingénieur joue deux rôles différents pour le même client (p. ex. : en préparant un dossier d’appel d’offres, puis en soumissionnant pour l’obtention du contrat).

Conflit perçu : Un conflit d’intérêts perçu ou apparent peut survenir lorsqu’un tiers peut être d’avis que les intérêts privés d’une personne pourraient influencer indûment l’exécution immédiate ou ultérieure de ses devoirs et obligations.

Conflit potentiel : Conflit survenant lorsque les intérêts privés d’une personne pourraient entrer en conflit avec ses obligations/devoirs publics.

Employeur : Personne ou entité qui embauche une autre personne ou une autre entité pour exécuter un service dans le cadre d’une entente expresse ou implicite et qui contrôle ou a le droit de contrôler la manière et les moyens utilisés pour exécuter le service en question. L’employeur a le droit de contrôler un employé.

Intérêt premier : Intérêt qui renvoie aux buts principaux d’une profession ou d’une activité. Dans le cas présent, l’ingénieur a le devoir de protéger l’intérêt public et de servir ses clients avec toute la diligence nécessaire.

Intérêt secondaire :  Pourrait englober, notamment, le gain financier personnel, l’avancement professionnel, le désir d’aider parents et amis, d’obtenir des contrats futurs, ou de favoriser les intérêts d’un deuxième client.

Organisation : Entreprise, fiducie, succession, partenariat, coopérative, association ou entité ou  intermédiaire du gouvernement.

Personne : Un individu par opposition à un groupe.

Profession : Activité professionnelle nécessitant la connaissance d’un domaine du savoir ou des sciences.

Professionnel : Personne experte dans son domaine de travail.

Public : Englobe l’ensemble de la société ou des citoyens d’un état, d’un pays ou d’une municipalité.  Peut aussi désigner l’ensemble de la collectivité, sans référence aux limites géographiques d’une entité constituée, comme une ville, une municipalité ou un comté.

Réel : Un conflit d’intérêts réel se caractérise par l’existence d’un conflit réel entre les devoirs publics d’une personne et ses intérêts privés.

6 Références

Buttigieg, Bryan J. and Thomson, Miller. “Conflict of Interest: consulting engineering need to be vigilant”. Canadian Consulting Engineer, mars 2004.

PEO, Professional Engineering Practice, janvier 2012.

Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, Rapport sur les conflits d’intérêts, 21 novembre  2011.

Association du Barreau canadien, Groupe de travail sur les conflits d’intérêts.

OIQ, « Sauriez-vous reconnaître un conflit d’intérêts? », paru dans PLAN, mars 2011, page 42.

[1] OIQ, « Sauriez-vous reconnaître un conflit d’intérêts? », paru dans PLAN, mars 2011, page 42.

[2] OIQ, ibid.

[3] Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, Rapport sur les conflits d’intérêts http://www.flsc.ca/_documents/Rapport-conflits-dinterets-nov-2011.pdf

[4] Le contenu de cette section s’inspire du travail de l’Association du Barreau canadien (ABC), Trousse de documents modèles sur les conflits d’intérêts, et en particulier le cadre d’analyse d’un conflit d’intérêts potentiel : http://www.cba.org/abc/groups_f/pdf/Comment_analyser_un_conflit_dinteret_potentiel.pdf

[5] Buttigieg, Bryan J. and Thomson, Miller. “Conflict of Interest: consulting engineering need to be vigilant”. Canadian Consulting Engineer, March 2004.

[6] PEO, Professional Engineering Practice, janvier 2012.

[7] PEO, ibid.

[8] PEO, ibid.

[9] PEO, ibid.

[10] PEO, ibid.

[11] PEO, ibid.