Partout au Canada, dans des communautés comme Lillooet Lake Estates, les ingénieurs géotechniciens et géologues utilisent leurs connaissances de la géologie et des réseaux hydrographiques pour comprendre et gérer les risques liés aux dangers naturels.  

Au cours de l’été 2013, une période de fortes pluies a provoqué l’écoulement de plus de 10 000 mètres cubes de boues rocheuses – l’équivalent d’environ 1 000 camions-bennes de débris – dans le ruisseau Catiline, dans le lotissement de Lillooet Lake Estates, au nord-est de Whistler, en Colombie-Britannique, dans le district régional de Squimish-Lillooet. La coulée de débris a envahi la rampe de mise à l’eau, poussé une camionnette dans le lac et détruit une structure d’entreposage de bateaux. Ce n’était pas la première coulée de débris dans le ruisseau Catiline, ni la première à causer des dommages importants, mais cet historique d’occurrences désastreuses a incité le district régional de Squamish-Lillooet à mener une enquête officielle sur la probabilité de futurs événements dangereux. Après enquête, plus de 30 résidents ont été avertis que leurs propriétés n’étaient plus sécuritaires en raison du risque de glissements de terrain dangereux.  

Compte tenu de ce niveau de risque élevé, le District régional a fait appel à des firmes d’ingénierie pour trouver des solutions

Eau, roches et risques 

« Une coulée de débris est un mélange d’eau, de roches et de débris qui s’écoule vers le bas d’un ruisseau et peut être très dangereux pour les personnes et les bâtiments qui se trouvent sur son parcours », explique Lauren Hutchinson. 

Mme Hutchinson est ingénieure principale chez BCG Engineering Inc., une firme de génie-conseil installée à Vancouver, en Colombie-Britannique. Elle fait partie d’une équipe d’ingénieurs qui s’attaquent aux problèmes géologiques qui touchent des communautés, qu’ils viennent d’en haut ou soient attribuables au climat ou à des formations naturelles, à l’emplacement d’un site ou au simple hasard. Lorsque les niveaux de risque dépassent les seuils acceptables, les ingénieurs en géotechnique vont directement à la source, examinent le sol et les systèmes hydrographiques, et proposent des solutions pour atténuer les problèmes avant qu’ils ne deviennent catastrophiques.

Machine d'arpentage dans un champ

« Les gens vivent avec le risque », affirme Lauren Hutchinson. Chaque instant, qu’il s’agisse de conduire une voiture, de faire une promenade ou de choisir un lieu de vie, comporte des risques inhérents. Les risques liés aux aléas naturels ne sont qu’une pièce du casse-tête, mais c’est une pièce que les ingénieurs géotechniciens s’emploient activement à trouver et à gérer, renforçant ainsi la sécurité et la résilience des communautés qui se trouvent confrontées à des niveaux de danger inacceptables.

Certaines personnes seront peut-être surprises d’apprendre qu’au Canada, il appartient à chaque municipalité ou autorité régionale de déterminer elle-même ce qui constitue un niveau de risque acceptable ou inacceptable pour les différents types d’utilisation des sols. Des lignes directrices, telles que celles qui ont été créées par le district de North Vancouver en 2009 ou par le district régional de Fraser Valley en 1991, peuvent être utilisées pour effectuer une évaluation standard et déterminer une base de risque acceptable. 

Pour les gens, « il y a un compromis à faire entre les risques et les avantages de vivre à un certain endroit, explique Lauren Hutchinson. Lorsque nous examinons les risques liés aux dangers naturels, nous devons reconnaître qu’il ne s’agit que d’un aspect que les gens doivent prendre en compte pour décider où ils vont vivre, où ils vont travailler et ce qui sera acceptable pour eux, et que ce qui est acceptable pour une personne ne l’est pas nécessairement pour une autre. À l’échelle d’une communauté, il est essentiel de veiller à ce que les personnes qui vivent déjà dans des zones à haut risque de catastrophe naturelle soient informées et à ce que des options de réduction des risques soient disponibles. »

Pour s’attaquer à des problèmes tels que celui que connaît le lotissement de Lillooet Lake Estates, une équipe commencera par des études conceptuelles – quelles sortes de solutions pourraient être possibles pour prévenir de futures coulées de débris? À partir de là, un avant-projet réalisable est créé. Dans le cas d’une coulée de débris, les solutions peuvent consister à empêcher les débris d’atteindre les zones préoccupantes, à les dévier dans une autre direction ou à les atténuer lorsqu’ils atteignent la communauté. La firme BCG et la société d’ingénierie avec laquelle elle s’est associée, Kerr Wood Leidal (KWL), optent pour la troisième solution. Elles sont en train de transformer le petit canal du ruisseau en un canal plus large et plus profond, avec des bermes qui maintiendront les débris en toute sécurité dans le canal et les achemineront jusqu’au lac Lillooet sans incidence sur la communauté. 

La collaboration sur le terrain 

« Ce qui m’enthousiasme le plus, dit Lauren Hutchinson, c’est de travailler directement avec les communautés sur des projets qui ont un impact sur la sécurité des gens. » Le projet de Lillooet Lake Estates implique non seulement de travailler avec une équipe de BGC, mais aussi de collaborer avec KWL et de rencontrer le président de l’organisme communautaire concerné et le chef de projet du district régional afin de les écouter et de comprendre les principales préoccupations de la communauté à l’égard du projet et de la solution proposée. 

« [Il est important] de replacer les dangers et les risques dans le contexte des besoins plus généraux de la communauté, explique Mme Hutchinson, afin d’apprendre des membres de la communauté ce qui est le plus important pour eux, quels sont leurs besoins, et de prendre les mesures nécessaires pour qu’ils aient le plus de chances de réussir à répondre à ces besoins. » 

Il est tout aussi important de passer du temps sur les lieux. Malgré la panoplie d’outils et de données disponibles pour les analyses informatisées, allant de la topographie numérique aux données sur les réseaux de cours d’eau et les déplacements du sol, Lauren Hutchinson affirme qu’il est crucial pour les équipes de se rendre sur le site et d’observer les conditions sur le terrain. Pour un ingénieur en géotechnique, rien ne remplace une visite sur les lieux. 

Laura Hutchinson sur le site

Lauren Hutchinson a passé du temps sur le terrain avec l’équipe de conception pour examiner le ruisseau à Lillooet Lake Estates, marcher dans la forêt, planifier des alignements et comparer l’environnement physique aux dessins de conception et aux modifications proposées. Des échantillons ont été prélevés pour déterminer les conditions du sol et des photos de la zone, en particulier des bâtiments voisins, ont été prises pour éclairer la planification de la construction et l’évaluation des risques. 

Améliorer la résilience avec des ressources limitées

Lorsqu’on lui demande quelle est la clé du succès pour les futurs ingénieurs en géotechnique, Mme Hutchinson a une réponse toute prête : « Il s’agit d’utiliser nos ressources aussi efficacement que possible, explique-t-elle, et de se poser la question « Comment utiliser les ressources et les connaissances dont nous disposons pour réduire au maximum les risques de la manière la plus rentable possible? » 

Pour elle, il s’agit d’un problème à deux volets. Les ressources ne sont pas infinies, et la résilience doit être intégrée aux nouvelles infrastructures pour qu’elles puissent résister durablement et efficacement aux changements climatiques et aux risques naturels. En outre, il est important d’inclure les communautés rurales et isolées, qui ne reçoivent peut-être pas autant de ressources que les communautés plus importantes. 

Par exemple, Mme Hutchinson indique qu’en Colombie-Britannique, « on observe un accent accru – qu’on attendait depuis longtemps – sur le soutien aux communautés des Premières Nations », un groupe qui n’a traditionnellement pas reçu le soutien nécessaire pour gérer efficacement les dangers et les risques dans ses communautés. 

S’il est de plus en plus compliqué d’utiliser nos ressources pour trouver des solutions efficaces en matière d’investissement dans des infrastructures résistantes au climat, les possibilités sont également de plus en plus nombreuses. Lauren Hutchinson souligne le nombre croissant de technologies accessibles aux ingénieurs en géotechnique, qui leur permettent d’obtenir et de traiter des informations rapidement et à faible coût. Elle est convaincue qu’aujourd’hui plus que jamais, le Canada dispose des technologies et des connaissances nécessaires pour relever les grands défis auxquels sont confrontés les ingénieurs en géotechnique. 

Lorsqu’on lui demande de s’adresser directement aux futurs ingénieurs, Mme Hutchinson dit qu’elle veut qu’ils sachent que le génie est beaucoup plus vaste que ce qu’ils apprennent à l’université. « Il existe une grande variété de possibilités pour se créer un créneau qui correspond vraiment à ses intérêts, à ses compétences et à ses passions, explique-t-elle. L’ingénierie en soi ne constitue pas la totalité du tableau. » 

Laura Hutchinson en hiver

Lorsqu’elle termine la conception d’une nouvelle proposition, elle sait que celle-ci tombera complètement à plat si elle ne peut pas communiquer efficacement avec toutes les parties prenantes – les décideurs, les bailleurs de fonds et les membres de la communauté. La solution technique ne suffit pas à elle seule à faire aboutir un projet. 

Lauren Hutchinson insiste également sur l’importance du travail d’équipe. « Tout ce que je fais, je le fais au sein d’une équipe... Je travaille avec une équipe de personnes formidables et cette équipe change en fonction des besoins du projet. Je ne pourrais jamais faire le travail que j’accomplis sans collaborer avec d’autres. » 

Valoriser les compétences des autres, être ouvert à de nouvelles situations et donner la priorité aux communautés qu’on sert : telles sont les compétences qui mettront l’ingénieur en géotechnique sur la bonne voie.