Dans cette deuxième édition de notre série estivale Dans les coulisses d’Ingénieurs Canada, nous nous entretenons avec Kyle Smith, gestionnaire, Recherche réglementaire et Mobilité internationale.
L’un des dix objectifs fondamentaux d’Ingénieurs Canada est de s’employer activement à faire un suivi, à mener des recherches et à fournir des conseils en ce qui concerne les changements et les progrès qui ont une incidence sur l’environnement réglementaire et la profession d’ingénieur. Les progrès technologiques évoluant plus rapidement que jamais, une partie du rôle de Kyle Smith consiste à surveiller de près les tendances actuelles et à venir, ainsi que leur impact potentiel sur le génie. Ces efforts permettent à Ingénieurs Canada de fournir aux organismes de réglementation des renseignements sur les répercussions à long terme sur la profession, d'évaluer les obligations professionnelles et éthiques et d'aider les organismes de réglementation à informer les ingénieurs des changements et des tendances à venir.
Dans cet entretien, M. Smith nous parle des partenariats essentiels avec des parties prenantes internationales, des étapes clés de la recherche réglementaire, des tendances émergentes dans le domaine du génie, et de bien d’autres choses encore.
Q : Pouvez-vous nous donner un aperçu de votre rôle en tant que gestionnaire de la recherche réglementaire et des affaires internationales?
R : Tout comme mon titre, mon rôle comprend deux grands volets :
Premièrement, j'effectue des recherches et je surveille l'état de l'environnement réglementaire professionnel dans le but de faire progresser la profession d'ingénieur au Canada. Cela implique en grande partie de surveiller les tendances au sein d'autres professions et les changements apportés à la réglementation du génie au Canada et à l’étranger. Je dois aussi produire des rapports sur des sujets d'intérêt pour les organismes canadiens de réglementation du génie, tels que les domaines d'exercice actuels, émergents et qui se chevauchent.
Deuxièmement, j’enquête sur les risques et les occasions associés à la mobilité internationale du travail et des praticiens du génie, et je m’emploie à les gérer. Jusqu’à présent, cela a surtout été un effort pour comprendre les pratiques d'admission en dehors du Canada afin de repérer les différences par rapport au cadre canadien. En identifiant les différences, en les signalant aux organismes de réglementation et en tendant le plus possible vers un alignement, nous espérons réduire les obstacles à la mobilité sans introduire de risques supplémentaires pour les autorités de réglementation.
Q : Comment la recherche réglementaire contribue-t-elle à faire progresser le génie au Canada?
R : La recherche vise à fournir aux organismes de réglementation des renseignements utiles sur lesquels ils peuvent s'appuyer dans l'exécution de leur mandat de réglementation de la profession. Qu'il s'agisse de leur faire part des changements apportés par le gouvernement fédéral qui pourraient avoir une incidence sur le nombre de demandes d’admission (comme la récente Stratégie pour les talents technologiques du Canada), de diffuser des mises à jour concernant d'autres professions réglementées et leurs cadres au Canada, de saisir les changements apportés aux régimes de réglementation du génie à l'échelle internationale pour les inclure dans des outils tels que la Base de données sur les établissements et les diplômes étrangers (BDEDE), ou d'effectuer des recherches approfondies comme le document de recherche sur le génie énergétique, mon objectif est d'apporter mon aide là où je le peux.
Q : Quelles sont les principales étapes de la recherche réglementaire? Pouvez-vous nous donner un aperçu du processus de collecte et d'analyse de données sur le paysage réglementaire?
R : Pour toute recherche, nous commençons par consulter les organismes de réglementation afin d'identifier les sujets qui les intéressent. Une fois le sujet sélectionné, on met sur pied un petit groupe consultatif chargé de guider la recherche et de fournir des points de vue constructifs. Ensuite, la recherche commence : nous analysons l'environnement et la documentation pour trouver des informations, et je travaille avec le groupe consultatif pour définir le problème et les objectifs de la recherche, qui sont rassemblés et présentés dans un document d'orientation générale. Les organismes de réglementation sont ensuite consultés sur l'orientation générale et ont la possibilité de donner leur avis. Une fois les commentaires examinés et partagés avec le groupe consultatif et les organismes de réglementation, on produit un rapport préliminaire et on sollicite au besoin les avis d'experts en la matière. On consulte ensuite les organismes de réglementation sur le document préliminaire afin de leur donner une nouvelle occasion de se prononcer. Leurs commentaires sont à nouveau examinés et pris en compte avant que la recherche soit finalisée et diffusée.
Q : Quels sont les principaux domaines d'intérêt d'Ingénieurs Canada en matière d'affaires internationales? Comment établissez-vous et maintenez-vous des relations avec les parties prenantes internationales?
R : Les efforts d'Ingénieurs Canada en matière d'affaires internationales visent à s'assurer que les organismes de réglementation tirent le maximum d'avantages des accords multilatéraux et des ententes conclues sous l'égide de l'International Engineering Alliance (IEA).
Dans le cadre de l'IEA, nous sommes signataires de l'Accord de Washington, un accord qui reconnaît l'équivalence substantielle des processus d'agrément dans 22 autres pays. Cet accord a aidé les organismes de réglementation canadiens à évaluer une partie de leurs candidats étrangers et il aide les diplômés canadiens de programmes agréés par le Bureau canadien d'agrément des programmes de génie (BCAPG) qui souhaitent être reconnus à l'étranger.
Nous sommes également membres de l’International Professional Engineering Agreement (IPEA) et de l’APEC Engineering Agreement (APEC-EA). Ces accords établissent des critères de référence des compétences professionnelles qui visent à faciliter la mobilité des professionnels. Toutes les parties aux accords ont été évaluées et jugées comme ayant des processus garantissant que les inscrits répondent aux normes de référence. Chaque partie tient un répertoire des personnes qui satisfont aux normes de référence et possèdent sept ans d'expérience dans le domaine du génie, dont deux ans en tant que responsables de travaux d'ingénierie importants. Cela va au-delà de la norme établie pour l'obtention d'un permis au Canada, de sorte que l'évaluation des candidats inscrits aux répertoires d'autres pays pourrait être accélérée par les organismes canadiens de réglementation du génie.
L'IEA nous met en contact avec plus de 40 organisations, et nous entretenons des relations avec elles par le biais d'une réunion annuelle, d'ateliers virtuels et d'un forum en ligne afin de renforcer la collaboration et de faciliter l'accès et la mobilité des talents en génie dans le monde entier. Lorsque cela est nécessaire, nous agissons comme mentor auprès des organisations qui souhaitent adhérer à l'Accord de Washington ou aux autres accords, et nous faisons partie d’équipes de visiteurs. Et, bien sûr, nous entretenons des relations individuelles avec des membres de ces organisations, en leur faisant part de nos expériences et apprenant des leurs.
Q : Pouvez-vous nous parler d'un projet que vous avez dirigé ou auquel vous avez participé et qui a eu un impact significatif sur le paysage réglementaire canadien? Quels ont été les principaux résultats ou réalisations?
R : Nous sommes actuellement en train de réaliser un grand projet visant à améliorer considérablement le répertoire de la mobilité d'Ingénieurs Canada, qui permet aux ingénieurs admissibles titulaires d'un permis au Canada de bénéficier des accords de l'IEA que j'ai déjà mentionnés. Le nombre d’inscrits au répertoire a énormément augmenté ces dernières années (de 12 inscrits en 2016 à plus de 500 au moment de la rédaction) et, en améliorant nos politiques et nos processus et en mettant en œuvre un nouvel outil en ligne, nous espérons renforcer notre capacité à gérer efficacement le répertoire et à améliorer l'expérience utilisateur des personnes qui souhaitent s’y inscrire.
Q : Quels sont les tendances ou les défis que vous avez observés et qui pourraient avoir un impact sur la profession d'ingénieur dans les années à venir?
R : Les tendances et les défis évoluent constamment. Voici quelques exemples d'événements récents et récurrents qui ont retenu mon attention :
- Les nouvelles technologies (telles que l'IA) bouleversent la nature du travail et la responsabilité professionnelle.
- Le nombre sans cesse croissant de nouveaux domaines d’exercice du génie
- Les changements induits par les gouvernements dans la réglementation des professions, tant au niveau national qu'international.
Q : Comment vous tenez-vous au courant de l'évolution des politiques, de la réglementation et des tendances de l'industrie du génie à l'échelle mondiale?
R : Il semble que l'information se trouve partout de nos jours. En plus de surveiller une série de fils d'actualité couvrant des sujets d'intérêt allant du génie aux cadres réglementaires en passant par les négociations d'accords commerciaux, je consulte également des bulletins d'information et des articles provenant de sources telles que le Réseau canadien des organismes de réglementation (RCOR), le Council on Licensure, Enforcement, and Regulation (CLEAR), la Fédération mondiale des organisations d'ingénieurs (FMOI), l'Institute of Electrical and Electronics Engineers (IEEE), le Conference Board du Canada, Canadian Consulting Engineer, Engineers Europe (anciennement la Fédération européenne d'associations nationales d'ingénieurs/FEANI), pour n’en nommer que quelques-unes. Il s’est avéré essentiel pour moi de réserver du temps au début de chaque journée pour séparer les informations utiles du bruit ambiant – et même à cela, la capacité à signaler efficacement les enjeux face à la multiplicité des sources d'information demeure un travail de longue haleine.