Les gens ont tendance à être attirés par une bonne controverse, mais quand les professionnels expriment publiquement leur opinion, ils doivent le faire avec circonspection.

 

Les gens ont tendance à être attirés par une bonne controverse, mais quand les professionnels expriment publiquement leur opinion, ils doivent le faire avec circonspection.  

Citons le cas d’un ingénieur manitobain retraité qui a récemment attiré l’attention nationale quand il s’est plaint dans les médias de la durée trop courte des feux orange aux intersections de Winnipeg. Sa déclaration a aussi capté l’attention de l’organisme de réglementation de sa province. 

Selon Engineers Geoscientists Manitoba, l’organisme qui réglemente l’exercice du génie dans cette province, l’ingénieur retraité a peut-être contrevenu au Code de déontologie que les ingénieurs manitobains doivent respecter en exprimant son opinion sur une question qui ne relève pas de son expertise. Plus précisément, le code stipule que les ingénieurs doivent « s’abstenir d’exprimer publiquement une opinion sur des questions touchant le génie ou les géosciences sans être qualifiés pour le faire et sans disposer des faits pertinents ». L’organisme de réglementation fait maintenant enquête, un processus qui peut parfois prendre plusieurs années.  

Fait à noter, ce n’est pas la première fois, de mémoire récente, que survient une affaire concernant la question de savoir quand et comment il est approprié pour un professionnel d’exprimer publiquement son opinion 

En effet, en 2015 en Ontario, un ingénieur en géotechnique a mené une campagne publique contre la démolition proposée d’un bâtiment endommagé par l’eau auquel le conseil municipal avait déjà envisagé d’accorder une désignation patrimoniale. Bien qu’une firme d’ingénierie ait jugé que le bâtiment était dangereux sur le plan structural en raison des dommages causés par l’eau, l’ingénieur faisant l’objet de mesures disciplinaires s’était faussement présenté comme étant un « ingénieur de structures » et émis une « directive d’ingénieur » pour stopper la démolition. 

Dans cette affaire, plusieurs détails justifiaient des mesures disciplinaires, notamment, selon la décision et les motifs de l’organisme de réglementation, « il n’existe pas en Ontario de directive d’ingénieur », et l’ingénieur en question n’avait « aucune autorité pour ordonner l’arrêt des travaux ». En outre, l’ingénieur n’avait aucune connaissance directe de l’état structurel du bâtiment et n’avait pas la compétence pour faire une telle évaluation, qui ne relevait pas de son champ d’expertise. À la suite d’une enquête, le conseil de discipline a décidé de réprimander l’ingénieur, de lui imposer une amende et d’exiger qu’il passe l’examen sur l’exercice de la profession dans un délai de quatorze mois, sous peine d’une amende supplémentaire. 

Certains éléments de cette décision font écho à une autre affaire très médiatisée mettant en cause une autre profession autoréglementée. En Saskatchewan, une infirmière autorisée a dénoncé dans les réseaux sociaux la piètre qualité des soins palliatifs que son père avait reçus et a été subséquemment mise à l’amende par son ordre professionnel pour « inconduite professionnelle ». 

Les accusations déposées contre elle comprenaient « le non-respect des procédures établies » pour signaler un problème (c.-à-d. d’abord au personnel soignant, puis à la direction); « le fait de ne pas avoir d’abord obtenu tous les faits » concernant les soins dispensés à son père, et « l’utilisation de son statut d’infirmière autorisée à des fins personnelles ». L’infirmière a interjeté appel de la décision en cour provinciale afin de déterminer si son ordre professionnel avait outrepassé ses pouvoirs. La cour a statué que l’organisme de réglementation avait agi dans les limites de son mandat d’autoréglementation et l’appel a été rejeté. 

Plus généralement, de telles affaires soulèvent la question de savoir quand les ingénieurs et autres praticiens exerçant une profession autoréglementée ont le droit de s’exprimer publiquement sur une question et quand l’organisme de réglementation peut décider qu’un praticien doit faire l’objet de mesures disciplinaires pour avoir fait des commentaires publiquement. Une fois qu’une enquête ou qu’un processus disciplinaire est en cours, l’organisme de réglementation doit aussi considérer combien d’informations peuvent être divulguées dans les limites réglementaires, juridiques et culturelles particulières d’une affaire.  

Si vous exercez le génie au Canada, il est essentiel de vous tenir au courant de votre code de déontologie et de vos obligations à titre de professionnel. Les  guides nationaux relatifs à la discipline et à l’application de la loi, ainsi que les guides propres à l’organisme de réglementation de la zone de compétence où vous pratiquez peuvent également s’avérer des ressources utiles.