Sumi Siddiqua, qui exerce le génie géoenvironnemental à l’Université de la Colombie-Britannique, mène des recherches sur l’utilisation de terre et de sous-produits industriels pour créer des matériaux et des méthodes de construction à faible teneur en carbone qui soient durables et sans danger pour l’environnement. 

Est-ce que vous pensez souvent au sol qui se trouve sous vos pieds ? Pour l’ingénieure Sumi Siddiqua, les matériaux naturels qui composent notre sol sont une source constante de découverte et d’inspiration. « Lorsqu’on construit des choses, on utilise des matériaux fabriqués, comme l’acier et le béton. Mais la terre est un produit naturel. Il est plus stimulant d’utiliser des matériaux naturels, parce que c’est différent à chaque endroit où l’on travaille ». 

Sumi Siddiqua exerce le génie géoenvironnemental à l’Université de la Colombie-Britannique. Dans son laboratoire, elle et ses étudiants identifient des matériaux et des méthodes de construction qui utilisent des sous-produits industriels et des sols naturels comme matériaux de remplacement plus durables, qui permettent de réduire l’utilisation du béton et du ciment, et ont un impact moins nocif sur l’environnement.  

Le projet polyvalent de création de mélanges de terre pour la construction en pisé est un bon exemple du travail de Mme Siddiqua. Le pisé est un mode de construction très ancien qui consiste à mélanger de la terre avec d’autres matériaux, puis à comprimer le mélange pour former des murs porteurs et non porteurs. De nos jours, cette méthode a été abandonnée au profit de la construction en béton, mais Sumi Siddiqua ne voit pas pourquoi elle ne pourrait pas être relancée.  

« Utilisé tel quel, le sol n’a pas la même résistance que le béton. Les ingénieurs ne peuvent pas l’utiliser pour les bâtiments ou les systèmes de soutien structurels. Nous avons commencé à utiliser d’autres additifs, des sous-produits industriels, et à fabriquer un nouveau matériau qui est aussi résistant que le béton. » 

Un groupe de personnes debout sur un escalier dans un atrium, soulignant une réunion animée dans un environnement ouvert et aéré.

En Colombie-Britannique, où il y a de nombreuses usines de pâtes et papiers, la cendre volante est l’un des sous-produits actuellement rejetés dans les sites d’enfouissement. Cette cendre est une fine poudre dont les caractéristiques sont proches de celles du ciment et qui est souvent ajoutée au béton pour en augmenter la résistance tout en réduisant l’empreinte carbone. En utilisant ce matériau comme additif, Sumi Siddiqua et son équipe arrivent à réduire la quantité de déchets rejetés dans les décharges, à recycler les déchets des usines et à réduire l’utilisation de ciment et de béton en utilisant le pisé. Cela permet d’abaisser les émissions globales de carbone des futurs projets de construction. 

« Au final, on obtient des matériaux de construction à faible teneur en carbone, ou des matériaux pauvres en carbone pour la construction de routes et la stabilisation des remblais », explique Mme Siddiqua. 

Ce processus est déjà utilisé par des entreprises de construction telles qu’Innovative Earth, basée à Grande Prairie, en Alberta, et à Kelowna, en Colombie-Britannique. « Innovative Earth a travaillé en collaboration avec nous, car nous avons utilisé différents résidus industriels pour augmenter la résistance, et l’entreprise a adopté notre idée d’utiliser des cendres de bois lorsqu’elle réalise des travaux de construction en Colombie-Britannique. » 

Cette capacité à utiliser des matériaux locaux, à la fois naturels et comme adjuvants, permet de construire plus facilement sur place sans importer de matériaux. BC Housing s’intéresse également aux applications potentielles dans les villes et villages isolés, ainsi que pour les logements dans les communautés autochtones. 

« Dans le cas du pisé de terre, on utilise la terre locale, ce qui signifie qu’il faut préserver l’intégrité du patrimoine local lors de ce genre de construction. Notre objectif est d’avoir des installations de formation au sein de la communauté, sorte que les gens puissent participer à la construction et acquérir des compétences pour l’avenir », ajoute Mme Siddiqua, en soulignant le potentiel de ces projets futurs. 

Un autre aspect fascinant du travail avec la terre en tant que produit naturel est qu’il est possible d’utiliser d’autres produits naturels pour modifier le caractère du sol. « Nous avons des collaborateurs industriels qui travaillent avec du sol organique, qui est très mou », indique Mme Siddiqua. Dans de nombreux endroits, en Alberta par exemple, le terrain est composé de sol organique, ce qui peut rendre la construction difficile, car les fondations peuvent glisser et se déformer au fur et à mesure que le sol meuble se déplace et bouge sous elles.   

« Nous cherchons des façons d’améliorer la qualité de ce sol. Je me concentre sur l’utilisation des microbes. Nous avons introduit certaines bactéries dans ce sol organique de différentes manières, notamment par l’injection d’une solution qui fournit des nutriments à ces bactéries pour qu’elles se développent dans le sol. Nous avons alors constaté que la résistance du sol s’améliorait après un certain temps », dit Mme Siddiqua. 

Les méthodes naturelles de rechange explorées comprennent également l’utilisation de champignons, dont les racines et la structure s’accrochent au sol, créant ainsi une force naturelle dont il était dépourvu auparavant. Le but visé est de continuer à affiner et à développer ces processus afin qu’ils puissent être facilement utilisés sur des sites partout au Canada. 

Les cendres volantes sont un sous-produit industriel d’utilisation logique en Colombie-Britannique, mais il existe d’autres sources de déchets industriels que Sumi Siddiqua aimerait voir réutilisés dans la construction. Elle étudie actuellement la possibilité d’utiliser des microbes pour identifier et extraire les métaux lourds des résidus miniers, afin de les traiter et de les réutiliser.     

« C’est dans cette direction que beaucoup de gens travaillent actuellement. Ils utilisent des microbes et différents traitements chimiques pour traiter et extraire les matériaux précieux. Nous travaillons sur un cadre métallo-organique ; en utilisant une réaction chimique, nous pouvons identifier comment absorber les métaux lourds, et si l’on peut les absorber, on peut les transformer en produits à valeur ajoutée », indique Mme Siddiqua. 

Une femme prononce un discours sur un podium

Tous les projets sur lesquels Sumi Siddiqua et ses étudiants travaillent dans son laboratoire sont des projets dans lesquels elle s’investit personnellement. « Notre objectif global est de soutenir la recherche en génie géoenvironnemental liée aux changements climatiques. » Mme Siddiqua insiste sur l’importance des projets, mais aussi sur celle de la formation de la prochaine génération d’ingénieurs. « Je forme la prochaine génération d’ingénieurs de sorte qu’ils acquièrent un ensemble de compétences axées sur les technologies propres et les infrastructures résilientes aux changements climatiques. Cela signifie que ce n’est pas seulement un petit nombre de personnes qui sont directement touchées, mais aussi la communauté et la société dans leur ensemble. »  

Pour Sumi Siddiqua, la capacité de mettre en œuvre des solutions est l’un des aspects les plus intéressants de la profession d’ingénieur. « Les connaissances n’ont pas de valeur si vous ne savez pas comment les utiliser, et ce pont, ce sont les ingénieurs qui le construisent en apportant des solutions dans notre vie quotidienne. » 

Les solutions de Mme Siddiqua commencent par le sol qui se trouve sous ses pieds, mais elles ne s’arrêtent pas là. Alors qu’elle et ses étudiants continuent d’explorer les possibilités de construire avec la terre et de réduire les déchets de construction, elle espère que la prochaine génération d’ingénieurs poursuivra son travail en vue de créer un environnement plus propre et plus durable.