In the second of a two-part series, we consider what 2021 may hold in store for engineering regulators, from foreign credential recognition, to EDI considerations, to big data.
La rapidité du changement et les forces perturbatrices que l’on peut observer dans le monde aujourd’hui ne sont pas nouvelles, mais, si nous devons apprendre quelque chose de 2020, c’est la mesure dans laquelle ces changements et ces perturbations peuvent s’avérer intenses et persistants. Les professions autoréglementées n’ont pas pu se soustraire aux grandes nouveautés de 2020, y compris les effets de la pandémie mondiale, le mouvement de protestation grandissant visant à mettre fin à la discrimination et les progrès technologiques continus.
Tenant compte de ces facteurs, nous examinons ci-dessous les changements que 2021 est susceptible de réserver aux organismes de réglementation du génie. Dans ce second article d’une série de deux, nous nous penchons sur les pressions répétées et l’évolution des attentes en ce qui a trait à la reconnaissance des titres de compétences étrangers, au rôle des organismes de réglementation en matière d’équité, de diversité et d’inclusion, ainsi qu’aux difficultés et aux possibles que représentent les mégadonnées. Dans le premier article, nous avons examiné des modifications apportées aux cadres réglementaires et législatifs, ainsi que les effets éventuels de la pandémie de COVID-19 sur les organismes de réglementation.
Reconnaissance des titres de compétences étrangers : pressions répétées et évolution des attentes
Les pratiques d’inscription et les obstacles à l’obtention du permis d’exercice ne sont pas des sujets nouveaux. Depuis une quinzaine d’années, ces questions attirent de plus en plus l’attention dans la foulée de l’adoption de lois sur l’équité dans plusieurs provinces pour assurer la transparence, l’objectivité, l’impartialité et l’équité des pratiques d’inscription des professions réglementées, et ce, pour tous les candidats. L’élan amorcé par les changements ayant eu lieu au cours des dernières années se poursuivra en 2021.
En 2019, suivant l’exemple du Québec, de l’Ontario, de la Nouvelle-Écosse et du Manitoba, l’Alberta a établi le Bureau du commissaire à l’équité et a adopté la Fair Registration Practices Act. En vertu de cette loi, les organismes de réglementation sont tenus d’évaluer les demandes et de communiquer les décisions selon des délais précis. De son côté, l’Ordre des ingénieurs du Québec a pris des mesures pour réduire les délais de traitement pour les candidats étrangers : ils sont passés de 18 mois à 6 mois. À l’automne 2020, l’organisme a revu son accord de re reconnaissance réciproque avec la France pour hausser le nombre de programmes acceptés et mettre en place une nouvelle exigence fondée sur les compétences. En novembre 2020, le gouvernement du Manitoba a quant à lui proposé des modifications à sa Loi sur les pratiques d’inscription équitables dans les professions réglementées afin de mettre en place des normes relativement aux délais d’inscription. Enfin, Engineers Nova Scotia a revu ses pratiques d’inscription et a supprimé l’obligation d’expérience de travail canadienne, laquelle représentait un obstacle de taille pour les ingénieurs formés à l’étranger qui souhaitaient obtenir un permis d’exercice dans la province. Par ailleurs, d’autres façons de montrer son expérience en génie et son expérience de l’environnement canadien sont désormais acceptables, notamment l’achèvement de programmes d’études ou de séminaires précis, par exemple, Orientation and Communication Skills for Engineers de l’Immigrant Services Association of Nova Scotia et le séminaire Working in Canada d’Engineers and Geoscientists British Columbia.
Ces changements en matière d’inscription revêtent encore plus d’importance dans le contexte de la hausse des cibles d’immigration pour les trois prochaines années que le gouvernement fédéral a annoncée à l’automne 2020, pour tenir compte du recul du nombre de nouveaux arrivants en 2020 en raison de la pandémie. L’immigration est une composante essentielle de la croissance économique, mais, selon les données longitudinales, les professionnels formés à l’étranger sont moins susceptibles d’exercer une profession réglementée qui correspond à leur domaine d’études comparativement aux professionnels nés au Canada.
Les organismes de réglementation doivent maintenir un équilibre entre la reconnaissance des titres de compétences étrangers pour l’octroi du permis d’exercice et leur responsabilité centrale d’octroyer des permis d’exercice uniquement à ceux et celles qui possèdent les qualifications et les compétences pour exercer la profession. Pour bon nombre d’organismes de réglementation, la vérification des titres de compétences étrangers et l’évaluation d’un candidat d’un autre pays constituent souvent un processus difficile qui rallonge beaucoup le traitement des demandes de permis.
Quelques programmes gouvernementaux d’immigration ont tenté de régler ce problème en offrant du soutien amélioré avant l’arrivée et en permettant aux candidats d’entreprendre le processus depuis leur pays d’origine, plutôt que de devoir attendre d’être au Canada pour remplir la paperasse. De plus, la pandémie a déjà obligé les organismes de réglementation à apporter des changements à leur processus d’inscription dans certains cas. Des éléments comme l’exigence de documents originaux et les longs examens en personne ont été modifiés en raison des difficultés causées par la pandémie. La numérisation des communications a permis de réduire les délais d’attente entre les organismes de réglementation et les candidats étrangers. De même, des organismes de réglementation ont été en mesure de réduire le nombre d’étapes consécutives en permettant leur réalisation simultanée.
Les organismes de réglementation devront continuer de se pencher sur les nouvelles possibilités d’amélioration des pratiques d’inscription. La pénurie de plus en plus criante de travailleurs qualifiés et expérimentés risque de continuer d’exercer de la pression sur les organismes de réglementation afin qu’ils accélèrent les processus d’octroi de permis d’exercice et acceptent d’autres formes de compétences professionnelles. Mais puisque les organismes de réglementation sont visés par de nouvelles lois et soumis à des pressions pour améliorer la reconnaissance des titres de compétences étrangers, il importe également de se préparer à une réglementation professionnelle qui pourrait réduire l’importance des diplômes (canadiens et étrangers) et de mettre l’accent sur la compétence et la formation continue.
Pour en savoir plus : Le gouvernement du Canada annonce un plan pour favoriser la reprise économique à l’aide de l’immigration; Engineers Nova Scotia, Fair Registration Practices Act (FRPA), Progress Report, avril 2020
Responsabilité sociale : rôle des organismes de réglementation dans le renforcement de l’équité, de la diversité et de l’inclusion
L’activisme et les mouvements sociaux comme Black Lives Matter font ressortir les vastes responsabilités des organismes au sein de la société. On s’attend des organismes de réglementation qu’ils fassent écho aux milieux qu’ils réglementent et qu’ils répondent aux pressions en faveur de l’équité, de la diversité et de l’inclusion.
Des recherches ont montré que les personnes autochtones, noires, de couleur et LGBTQ+, ainsi que celles qui ont été formées à l’étranger, dont la langue maternelle n’est pas le français ou l’anglais, ou qui proviennent d’une autre culture connaissent plus d’obstacles à l’inscription, plus d’interventions et de plaintes de leur employeur à leur endroit ainsi que des mesures disciplinaires plus sévères que leurs collègues qui ne proviennent pas de groupes minoritaires. L’évaluation et la compréhension des préjugés implicites individuels et organisationnels en plus de la mise en place de mesures d’atténuation, seront cruciales pour mettre un frein aux comportements discriminatoires dans la réglementation et accroître l’équité, la diversité et l’inclusion au sein des professions. Les vérifications de postulats, l’analyse de décisions passées, le suivi des données démographiques des membres inscrits en ce qui a trait à la diversité et leur maintien dans la profession, la formation et l’obtention de commentaires des parties touchées contribuent à cerner et à éliminer les préjugés implicites systémiques.
Les organismes de réglementation du génie peuvent contrer la discrimination en encourageant l’équité, la diversité et l’inclusion au sein de la profession et de leurs pratiques. Par exemple, certains donnent suite aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, et reconnaissent la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones pour soutenir la réconciliation et attirer des Autochtones vers la profession. De plus, les organismes de réglementation peuvent veiller à ce que leur personnel et leurs bénévoles représentent le public qu’ils servent. Pour savoir comment le public et la profession les perçoivent, les organismes de réglementation peuvent demander à leurs candidats les raisons pour lesquelles ils postulent, les difficultés auxquelles ils se sont butés et les facteurs qui contribuent à leur réussite. C’est en cherchant activement à recruter des représentants de la diversité et à former les membres des comités de sélection sur les préjugés implicites que l’on peut assurer l’équité des processus de recrutement.
Il sera de plus en plus difficile de réglementer efficacement la profession si les systèmes et les processus d’inscription ne tiennent pas compte de la diversité des praticiens et du grand public qu’ils sont chargés de protéger.
Mégadonnées : un appui ou un frein pour les organismes de réglementation ?
La navigation accélérée, le stockage à moindre coût et la capacité de connexion et d’échange de quantités extrêmement élevées de données ont mené à la prolifération des mégadonnées dans bon nombre de secteurs. Si les organismes de réglementation du génie discutent fréquemment de la façon de réglementer, s’il y a lieu, l’émergence de cette technologie dans le cadre de l’exercice du génie, leur capacité réglementaire ne peut se soustraire aux effets ni aux avantages possibles de sa présence accrue.
Les organismes de réglementation ont accès à des quantités énormes de données qui, si elles sont analysées correctement, sont susceptibles d’améliorer leurs connaissances et leur compréhension, de cerner des tendances comportementales et de générer des idées pour promouvoir l’amélioration de la réglementation. Si certains tirent déjà parti des sources de données actuelles, comme les plateformes de médias sociaux, les sujets de plaintes et les commentaires des membres inscrits, d’autres mettent au point leur capacité interne à mener leurs propres analyses de données sur des enjeux très précis. Les données de sources internes et externes aideront probablement les organismes de réglementation à aborder différents types de questions, notamment ce que font leurs membres et où ils le font, quelles sont les pressions professionnelles avec lesquelles ils doivent composer, quelles sont les conditions économiques qui alimentent l’industrie et comment améliorer le service à la clientèle et les activités.
Puisque les organismes de réglementation du génie dépendent de plus en plus des mégadonnées, il est important de comprendre les capacités et les limites de cette technologie. Les nombreuses possibilités qu’elle offre ne seront avantageuses que si les risques connexes sont reconnus et minutieusement atténués. Il s’agit notamment pour cela de mettre en place des politiques et de définir des pratiques en matière de collecte, d’utilisation, de stockage et de protection des mégadonnées. Il convient en outre d’être suffisamment flexible pour réagir rapidement aux difficultés qui surgissent. S’ils n’ont pas de plan détaillé, les organismes de réglementation risquent de perdre la confiance de leurs parties prenantes.
Une fois les données collectées, il faut des plans, des principes et des structures pour assurer la gestion responsable des données. Il est important que les projets des organismes de réglementation en ce qui concerne les mégadonnées soient guidés par les concepts de valeurs humaines, d’équité, de transparence, de solidité, de sécurité et de sûreté. L’investissement dans les ressources et les règles de gouvernance appropriées contribue à améliorer l’organisation des données, à mieux éclairer les décisions et à accroître les capacités à donner suite aux constatations. Les biais dans les mégadonnées constituent également un sujet d’actualité, tout comme l’identification des biais algorithmiques.
Il peut être facile de passer outre l’ampleur des conséquences d’une piètre gestion des données et il est facile de sous-estimer la pleine portée des dommages qu’elle risque de causer. Les organismes de réglementation possèdent une quantité substantielle de renseignements personnels et professionnels sur leurs membres inscrits. La protection de ces données est primordiale, et leur utilisation à des fins légitimes, notamment pour comprendre les données démographiques, les cheminements scolaires et les disciplines d’exercice, est essentielle pour maintenir la confiance. L’utilisation responsable des mégadonnées soutiendra les fonctions réglementaires des organismes de réglementation, tout en établissant une norme à suivre pour les autres entités du génie.
Les événements de 2020 ont rappelé à tous les organismes de réglementation qu’ils ne sont pas à l’abri des forces du changement social. Ceux qui sont résilients et bien préparés seront en mesure de s’adapter et de conserver leur pertinence en 2021 et dans les années à venir.