Depuis une cinquantaine d’années, on ne s’intéresse plus seulement aux profits d’une société et aux gains de ses actionnaires, mais également à son empreinte sociale et écologique. La question de la responsabilité sociale et de l’écologie devient plus prégnante. Elle entraîne donc l’adoption d’un modèle de réussite « 3 P », à savoir : « profits, personnes et planète ».

Dans la foulée d’une vague d’investissements « responsables », les secteurs de la gestion financière ont été les premiers à s’intéresser à autre chose qu’au profit. L’adoption de cadres environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) a aidé les entreprises à rendre compte de leurs résultats de manière plus globale. En raison de la sensibilisation accrue du public et du lien de plus en plus étroit entre les problèmes mondiaux et les pratiques commerciales, les rapports ESG sont devenus plus courants dans divers secteurs. Cependant, la production de rapports ESG n’est toujours pas balisée par des normes ou des critères homogènes. Il est donc difficile de suivre une méthode vérifiable, normalisée et efficace de collecte et de communication des données ESG. Certaines entreprises ont d’ailleurs été accusées d’avoir falsifié leurs résultats ESG et ont fait l’objet de scandales. C’est par exemple le cas de Volkswagen qui, en 2015, a brutalement perdu sa réputation de leader en matière de résultats ESG.

La branche ontarienne des Comptables professionnels agréés du Canada s’est interrogée sur le rôle des comptables pour aider les entreprises à interpréter leurs données et à se prémunir contre la présentation erronée de leurs résultats ESG. Comme les comptables, les ingénieurs et leurs clients ont donc un rôle à jouer dans la protection et la communication des effets sociaux et environnementaux de leur travail. Après tout, les professions autoréglementées ont ceci en commun qu’elles sont encadrées par des normes éthiques, techniques et professionnelles.

Dans le domaine du génie, les praticiens et les employeurs sont censés assumer une responsabilité éthique et considérer la sécurité et la protection du public comme primordiales. Si les ingénieurs acceptent volontiers cette responsabilité, les paramètres de la responsabilité sociale et environnementale sont, quant à eux, plus flous. Chaque ingénieur a sa propre vision de sa responsabilité sociale. Elle dépend de facteurs liés au parcours et à la socialisation, notamment de l’université fréquentée, de la discipline choisie et des enseignants et des mentors croisés en chemin.

Le contexte de l'entreprise agit également sur le comportement des ingénieurs, puisqu'ils sont tributaires des environnements dans lesquels ils travaillent. Les priorités, les valeurs, les règles et les responsabilités encouragées par une entreprise, y compris la pertinence des activités et des rapports ESG, influencent les normes et les comportements acceptés des employés.

Les ingénieurs étant appelés à résoudre des problèmes et à innover, ils jouent un rôle essentiel dans divers domaines ayant d’importantes répercussions sociales et environnementales. Quel que soit le degré de responsabilité sociale qu’assume un ingénieur, il peut influencer activement la manière dont les normes ESG sont mesurées et communiquées. Il contribue ainsi à protéger la réputation de sa profession et de son employeur, tout en manifestant une volonté de tenir compte des effets plus larges de son travail sur la société.

L’ESG peut être un outil important de changement plutôt qu’un simple outil d’atténuation des risques. Les organismes de réglementation peuvent harmoniser leurs normes et leurs tactiques d’application de la loi pour reconnaître l’importance de l’ESG et tenir les praticiens et les firmes responsables de ces aspects. Le « triple résultat » (personne, profits, planète) faisant l’objet d’une prise de conscience et d’un intérêt accrus, la profession d’ingénieur – praticiens, entités et organismes de réglementation confondus – pourrait reconnaître que ses devoirs collectifs et ses contributions à la société ne sont pas seulement d’ordre technique.

Ressources :

Bielefeldt, Angela R. (2018) Professional Responsibility in Engineering.

Intech Open.

Ghoussoub and Tavasoli. (2020) Is it time for an ethical renaissance in the engineering profession?

Corporate Knights.

Gonder et de Gannes. Integrating ESG into Incentives.  

Ivey Business School, Western University. Financé en vertu du programme Thought Leadership Research de CPA Ontario.

Schecter, Barbara. (2021) Busines leaders split on idea of unleashing ‘warrior accountants’ on ESG issues. Financial Post.