Tous les deuxièmes mercredis du mois, la série Persist de DiscoverE organise une rencontre au cours de laquelle des femmes travaillant dans le domaine du génie et de la technologie livrent spontanément leurs expériences personnelles, discutent de la façon de surmonter les défis liés au milieu de travail et échangent sur les tactiques qui les aident à demeurer en poste et à progresser dans leur domaine. Partenaire stratégique d’Ingénieurs Canada, DiscoverE était auparavant la National Engineers Week Foundation qui a été créée par la National Society of Professional Engineers (NSPE) aux États-Unis.

Au cours du dernier webinaire de l'année – From Mindset to Management: Transforming from the Inside Out – qui a eu lieu le 10 novembre,  les participantes se sont penchées sur la façon dont les employés et les entreprises peuvent tirer parti de leurs propres histoires pour apporter des changements nécessaires qui reflètent leurs valeurs fondamentales de manière durable.

La séance, qui était dirigée par Andronica Klaas, animatrice de la série Persist, a commencé par une conversation avec Gayathri Shukla, P.Eng., ingénieure et entrepreneure en Alberta et fondatrice de Campfire Kingship. Cet échange a été suivi d’une période de questions-réponses en direct, animée par Vanessa Raponi, ingénieure stagiaire et fondatrice d'EngiQueers Canada, à laquelle participaient Gayathri Shukla, Madhu Seera, gestionnaire, Stratégie de transport, à la Ville de Calgary, et Cassandra Polyzou, gestionnaire, Équité, Diversité et Inclusion à Ingénieurs Canada.

Les panélistes ont échangé des réflexions sur la façon de créer du changement et sur les attitudes et les pratiques qu'elles ont trouvées les plus utiles pour faire face au changement, en particulier lorsqu'il s'agit de créer davantage d’équité, de diversité et d’inclusion dans les milieux de travail en génie traditionnellement dominés par les hommes. Cassandra Polyzou, d'Ingénieurs Canada, récapitule ci-dessous les réflexions qu'elle a partagées avec les autres panélistes.   

Ingénieurs Canada : Un thème qui est revenu fréquemment au cours de la discussion – et tout au long des épisodes de la série Persist – était la création de changements pour rendre les milieux de travail en génie et technologie plus équitables, diversifiés et inclusifs. Quels sont les principaux obstacles à la création de changements et qu'est-ce qui vous aide à les surmonter?     

Cassandra Polyzou : Je pense que l'un des plus grands obstacles au changement est notre propre état d'esprit. En général, nous avons une idée arrêtée de la façon dont notre vie va se dérouler. Très tôt, on nous demande « qu'est-ce que tu vas être, qu'est-ce que tu vas faire quand tu seras grande? » et nous envisageons notre vie de façon très linéaire. Tout ce qui vient bouleverser cette pensée linéaire, comme le changement, nous apparaît comme un défi désagréable, ou quelque chose de désordonné que nous devons compartimenter et remettre en ordre.   

L'un des endroits préférés où j’aime aller et où je me sens vraiment heureuse, c’est dans la nature – où je peux réfléchir à la subtile complexité de la plupart des systèmes naturels. Tout est en changement constant dans la nature. Que ce soient les saisons ou le cycle de la vie, de la mort et de la régénération, rien n'est jamais statique dans la nature. Si nous adoptons cet état d'esprit et que nous nous inspirons de la nature, nous pouvons nous rendre compte que le changement a du bon. Si nous regardons les choses sous l'angle de la justice sociale – et nous essayons de créer un changement social – nous devons reconnaître que le changement est sain et qu'il peut déboucher sur un avenir meilleur.

IC : Dans la conversation qui a amorcé cet épisode de la série Persist, Gayathri Shukla a parlé de l’importance d'être authentique et d'utiliser le récit pour créer une culture d'appartenance et des espaces plus inclusifs. Quelle est l'importance de la mise en récit dans la sphère de l'équité, de la diversité et de l'inclusion (EDI)? 

CP : J'adore l'idée de raconter une histoire. Gayathri Shukla utilise le récit pour encourager les gens à être authentiques, et c’est formidable. Il est important de nourrir cela de l'intérieur lorsque nous essayons de transformer le monde qui nous entoure. En particulier, parler des échecs que nous avons connus et des erreurs que nous avons commises – bien que ce soit difficile et souvent source de vulnérabilité – est l’aspect le plus puissant de la narration. Lorsqu’on essaie de créer des espaces où l’on sent tous qu’on peut être authentiques, cela revient à susciter de la confiance, et à créer un espace où l’on peut faire confiance aux autres et leur révéler notre être authentique. Si l’on peut faire confiance aux autres en leur racontant certaines de nos expériences les plus difficiles, alors on peut vraiment s’épanouir au travail ou dans n'importe quel autre environnement. Souvent, lorsqu’on parle de sujets liés à l'EDI et qu’on essaie de convaincre les dirigeants d’être plus inclusifs, il est difficile de les amener à s'adapter à ce changement. Mais parler d'histoires personnelles, d'empathie, d'humilité est vraiment la voie à suivre dans ce domaine. Raconter des expériences est un moyen d'humaniser ces choses. 

IC : La période de questions-réponses en direct a suscité de nombreuses discussions et questions de la part du public. Quels conseils avez-vous donnés à l’auditoire et aux femmes en génie et en technologie en général?

CP : Les échanges ont donné lieu à quelques conseils, notamment à quel point il est important de trouver des alliés dans les milieux où l’on évolue. En tant que personne métisse, je connais l'importance de trouver des personnes dans lesquelles on peut se reconnaître, de gagner leur confiance et de trouver des espaces où l’on peut se sentir en sécurité pour s’ouvrir aux autres.   

Un autre conseil que j'ai donné, c’est de chercher ces alliés même en dehors de ses collègues ou des intervenants de son milieu de travail immédiat. Il existe de nombreux groupes vers lesquels on peut se tourner, comme la Society of Women Engineers, et de nombreux organismes de réglementation du génie organisent des événements de réseautage pour les femmes en génie. Chercher des personnes avec qui partager ses expériences peut être utile, car le simple fait d'exprimer ses sentiments et de rencontre quelqu'un qui a vécu une expérience semblable et qui peut vous donner des conseils peut vous aider. 

Et enfin, restez fidèle à vous-même et sachez que les femmes ont leur place dans ce milieu. Elles travaillent très fort – toutes leurs réalisations le prouvent – et les milieux de travail sont en train de changer. Mais en même temps, sachez qu'il est normal de sentir de la frustration et d'éprouver parfois de la colère. Ne vous sentez pas obligée de refouler votre colère et d’afficher un grand sourire. Ressentir toutes ses émotions et son authenticité passe par des hauts et des bas, et c'est tout à fait normal. 

Vous trouverez un enregistrement de cette discussion, ainsi que d'autres épisodes de la série Persist, dans le site de DiscoverE