Ryan Dunbar portrait

Des décennies avant la naissance de Ryan Dunbar, P.Eng., sa grand-mère a dû quitter sa maison dans la réserve de Kingsclear après avoir épousé un allochtone et perdu son statut conformément à la loi en vigueur à l’époque (qui a été modifiée depuis). Elle a déménagé à une courte distance, tout en maintenant des liens étroits avec sa collectivité. Plusieurs de ses filles ont fait de même, y compris la mère de M. Dunbar, Lynn de son prénom. Après le décès du grand-père de M. Dunbar, les membres de la collectivité de Kingsclear ont accueilli sa grand-mère et lui ont fourni un logement, même s’ils n’étaient pas tenus de le faire.  

Si la mère de M. Dunbar a choisi d’élever sa famille en dehors de la réserve, elle a encouragé son fils à y passer beaucoup de temps avec sa grand-mère. Les deux sont devenus très proches, si proches qu’il a plus tard donné à sa fille le même prénom qu’elle. Cependant, il reconnaît ouvertement que son éducation a été très différente de celle de ses cousins qui ont grandi dans la collectivité.  

« Leur expérience était très différente de la mienne, mais nos raisons d’essayer de provoquer le changement ou le progrès sont similaires. Je reconnais que le chemin que j’ai emprunté pour en arriver là, bien qu’il ait comporté ses propres obstacles et défis, a certainement été plus facile que pour certains membres de ma famille élargie. Mon point de vue est donc différent, mais pas mes motivations », confie M. Dunbar. 

Sa mère a trouvé d’autres moyens d’encourager M. Dunbar à s’approprier son héritage autochtone. Lorsqu’il était à l’université, elle l’a invité à accompagner un groupe de jeunes de la communauté qui partaient sur le terrain pour en apprendre davantage sur leur culture. 

« Elle ne voulait pas me dire qu’elle m’envoyait là-bas pour que j’apprenne ma culture avec une bande de gamins, car cela aurait pu paraître bizarre à une jeune de 20 ans. Au lieu de cela, elle m’a dit que j’allais là-bas pour faire une bonne action, et j’étais heureux de le faire. Cela a changé la façon dont j’ai tout fait depuis. Ma mère a semé cette graine, et l’organisation que j’ai développée, les personnes que j’ai touchées, les communautés avec lesquelles j’ai travaillé, c’est grâce à cette graine. » 

Aujourd’hui, M. Dunbar est ingénieur et hydrogéologue, et fier membre de la Première Nation Bilijk Wolastoqiyik (Kingsclear) au Nouveau-Brunswick. Il est le fondateur de SOAR Professional Services, une entreprise novatrice qui fournit des services axés sur les Autochtones dans les domaines de la planification, de l’ingénierie, des sciences de l’environnement et du conseil en gestion. L’entreprise fonctionne en société en commandite avec Dillon Consulting Limited, une relation qui fournit à SOAR un soutien technique stratégique et un renforcement des capacités.  

L’ingénierie a ouvert la voie à des changements réels pour M. Dunbar, non seulement pour sa propre collectivité, mais aussi pour d’autres collectivités et ingénieurs autochtones. 

Travaux hydrauliques 

Pendant ses études en génie à l’Université du Nouveau-Brunswick (UNB), M. Dunbar a bénéficié de bourses d’études fournies par l’organisation maintenant connue sous le nom d’Indspire (entre autres), ce qui n’a fait qu’accroître son désir de servir sa collectivité. Comme ses domaines d’intérêt étaient l’eau et l’environnement, il espérait trouver un moyen d’améliorer la situation en matière d’eau dans les réserves. Estimant que la préservation de sources d’eau propres pouvait permettre de garantir l’accès à l’eau potable aux collectivités autochtones, il a obtenu une maîtrise en hydrogéologie, en suivant les cours de la Chaire de recherche du Canada sur les eaux souterraines à l’UNB.  

Au moment où il a obtenu son diplôme et a commencé à travailler comme ingénieur en environnement chez Dillon Consulting, sa mère avait été élue membre du conseil de Kingsclear. Cela lui a permis de mieux comprendre la gouvernance de la collectivité ainsi que ses objectifs et sa politique stratégiques. Naturellement, la première chose qu’il a voulu examiner a été le système d’approvisionnement en eau. 

« J’ai eu l’occasion de rencontrer le directeur des travaux publics à Kingsclear. Il m’a emmené voir le système d’approvisionnement en eau de notre collectivité. Je lui ai dit : “Nous sommes dans la plaine inondable, donc l’eau monte ici généralement une fois tous les deux ans. Que faites-vous dans ce cas ?” Et il m’a répondu : “Nous attendons simplement que l’eau redescende.” » 

Les inondations n’étaient pas le seul problème de l’usine de traitement des eaux de Kingsclear, et M. Dunbar voulait éviter une crise comme à Walkerton. S’appuyant sur des fonds de marketing fourni par Dillon dans le cadre de leur formation en gestion de la relation client, il a élaboré avec un collègue une proposition complète visant à rendre le système d’eau de la collectivité sécuritaire et fonctionnel et l’a présentée à Services aux Autochtones Canada, qui a donné son feu vert au projet. Les travaux ont été achevés en trois ans, laissant à la collectivité de Kingsclear un système d’eau potable beaucoup plus sécuritaire et fiable.  

Ce succès a conduit M. Dunbar à entreprendre de nombreux autres projets avec d’autres collectivités autochtones.  

« Nous n’avions jamais travaillé avec Services aux Autochtones Canada, et tout à coup, nous avons réalisé des multitudes de projets dans différentes disciplines et différents domaines, notamment l’environnement, la gouvernance et les politiques. J’ai pu travailler sur tous ces aspects et en apprendre davantage à leur sujet. Pour décrire la situation, je dirais que Services aux Autochtones Canada m’a donné un budget de marketing de 3 000 dollars et qu’en échange, nous avons amélioré la prestation de services techniques et de marketing pour les clients autochtones à travers le Canada. » 

M. Dunbar affirme que bien que chaque communauté autochtone soit unique, beaucoup de défis en matière d’infrastructure auxquels elles sont confrontées sont similaires, de sorte que de nombreuses solutions peuvent être transférables. 

L’envolée de SOAR 

En 2019, M. Dunbar a contacté Sean Hanlon, son mentor chez Dillon, qui en était alors président (et plus tard chef de la direction), et lui a présenté son idée de créer un partenariat entre Dillon et une nouvelle entreprise qu’il souhaitait créer, ensuite devenue SOAR Professional Services. SOAR offrirait des occasions d’emploi et un espace plus accessible pour le parcours professionnel aux ingénieurs, géoscientifiques, planificateurs et détenteurs de connaissances autochtones, formant ainsi une équipe qui pourrait poursuivre le travail que Dunbar avait perfectionné chez Dillon, en fournissant des services de planification, d’ingénierie et d’environnement aux collectivités autochtones à travers le Canada, avec le soutien de la main-d’œuvre plus importante et pluridisciplinaire de Dillon. 

« [SOAR] vise à créer une possibilité pour les personnes autochtones à la recherche d’une plateforme pour stimuler le changement dans leurs collectivités. SOAR fournit à ces personnes les mêmes outils et occasions qui m’ont été donnés pour soutenir le progrès continu. Nous devons créer une culture qui inspire tout le monde à travailler dans ces collectivités uniques, afin qu’elles puissent offrir leurs perspectives et expériences précieuses pour façonner et faire profiter les projets sur lesquels nous travaillons. » 

Dillon a signé et a fourni le financement de démarrage pour créer SOAR au début de 2020, quelques semaines seulement avant qu’une pandémie mondiale ne soit déclarée. Sans se décourager, M. Dunbar et SOAR ont réussi à s’associer à Dillon dans le cadre d’un contrat avec la nouvelle Atlantic First Nation Water Authority, une organisation dirigée par des Autochtones qui cherche à améliorer l’approvisionnement en eau des collectivités autochtones du Canada atlantique. L’équipe du projet a été chargée d’obtenir une base de référence des systèmes d’approvisionnement en eau dans les différentes collectivités membres et de planifier le développement des investissements de l’administration des eaux au cours des dix prochaines années dans le cadre de son projet de planification de la gestion des actifs.    

« Nous avons eu l’occasion de définir la feuille de route de toutes ces communautés membres pour une organisation dirigée par des Autochtones et gérée par des opérateurs autochtones. L’une des choses dont j’ai toujours été fier est l’approche que nous avons adoptée pour nos systèmes d’eau et d’eaux usées. Nous travaillons en collaboration avec la collectivité pour bien comprendre le problème et créer conjointement une solution en nous appuyant sur ce que nous avons appris de leurs expériences et des limites qu’ils rencontrent généralement dans l’exploitation et l’entretien quotidiens de leurs systèmes. » 

Le passage au développement économique  

Fort du succès de la rénovation du système d’approvisionnement en eau de Kingsclear, M. Dunbar a demandé à sa mère ce dont la collectivité avait encore besoin. À l’époque, comme de nombreuses collectivités autochtones, Kingsclear manquait de logements et de fonds pour construire les plus de 100 maisons nécessaires. La solution la plus évidente pour remédier à cette pénurie était d’augmenter les revenus autonomes de la collectivité.  

La collectivité disposait déjà d’une station-service, mais il fallait changer la façon d’aborder l’entreprise afin d’augmenter les ventes. M. Dunbar a suggéré de déplacer la station-service pour la rapprocher de la route provinciale qui traverse le centre de la collectivité. Il les a aidés à obtenir des fonds pour construire une toute nouvelle station-service et un dépanneur, qui connaissent aujourd’hui un grand essor et desservent une autoroute très fréquentée. Il a également contribué à obtenir des fonds pour construire un nouveau lotissement dans la réserve, qui a été entièrement utilisé en deux ans grâce à la croissance économique de la collectivité.  

M. Dunbar affirme que les collectivités autochtones ont besoin d’un développement économique continu pour financer des projets comme ceux-ci et soutenir leur propre croissance et leur autodétermination. 

« La véritable souveraineté communautaire ne peut exister sans une souveraineté économique. C’est pourquoi le développement économique est devenu si important pour moi. Si vous pouvez résoudre les contraintes financières, la collectivité est alors en mesure d’investir dans ce dont elle a vraiment besoin, et non dans ce que les programmes de financement lui imposent. Vous pouvez créer des emplois. Vous pouvez créer des logements. Vous pouvez créer des programmes. Vous pouvez rajouter du développement économique, stimulant davantage de progrès. » 

Remerciement 

Bien que ce soit l’ingénierie qui ait permis à M. Dunbar de soutenir à la fois sa propre collectivité autochtone et d’autres collectivités à travers le Canada, c’est son désir de maintenir cette porte ouverte pour les autres qui l’a conduit à fonder SOAR.  

M. Dunbar attribue une grande partie de sa réussite à M. Hanlon, chef de la direction de Dillon, et à sa mère.  

« J’ai eu cette possibilité, dans cette entreprise, grâce à la relation que j’avais avec cet être humain incroyable, et il m’a aidé à croire que je pouvais déplacer des montagnes, une qualité que ma mère m’a inculquée dès le premier jour. C’est la raison pour laquelle je relève tous les défis. Ce n’est pas parce qu’une situation semble dysfonctionnelle ou trop compliquée qu’il ne faut pas essayer de la résoudre. 

Ne vous y trompez pas, ma grand-mère a joué un rôle déterminant, mais c’est ma mère qui m’a créé. C’est la raison pour laquelle j’ai autant d’empathie. C’est grâce à elle que je fais ce que je fais. Il ne se passe pas un jour sans que je pense à elle ou aux leçons qu’elle m’a inculquées. »