L'aube d'une nouvelle ère dans le domaine de l'ingénierie, et plus particulièrement de l'astronomie, s’est profilée lorsque le monde a pu voir pour la première fois des images captées par le télescope spatial James Webb, fruit d’une collaboration internationale entre la NASA, l'Agence spatiale européenne (ESA) et l'Agence spatiale canadienne (ASC).
« Voir l'immensité de l'espace stimule l'imagination et incite à pousser l’exploration plus loin, a déclaré Andrew Gadsden, PhD, P.Eng, professeur agrégé au Département de génie mécanique de l'Université McMaster et directeur de l’Intelligent and Cognitive Engineering (ICE) Laboratory. Et avec l'ingénierie moderne, nous constatons que nous avons le luxe d'explorer de nombreux endroits en même temps. »
L'ASC a fourni deux éléments importants, construits par Honeywell, au télescope Webb : le détecteur de guidage de précision (FGS), qui permet au télescope de cibler les objets d'intérêt et de faire la mise au point dessus, et l'imageur et spectrographe sans fente dans le proche infrarouge (NIRISS), instrument scientifique qui aide à étudier de nombreux types de corps célestes, par exemple des exoplanètes et des galaxies lointaines.
En échange, le Canada se voit garantir une part du temps d'observation. Des scientifiques canadiens seront donc parmi les premiers à étudier les données recueillies avec ce télescope spatial, le plus perfectionné jamais construit.
Les premières images et données spectroscopiques du télescope ont été diffusées lors d'une émission télévisée le mardi 12 juillet 2022, depuis le Goddard Space Flight Center de la NASA dans le Maryland, donnant une indication des immenses capacités du télescope en matière d'ingénierie et de science en général.
M. Gadsden a indiqué qu'il avait toujours été intéressé par l'espace et qu'il s'est dirigé vers le génie pour avoir une influence de première main sur ce domaine. Tout jeune, il avait un télescope et s’amusait à observer Mars et Jupiter.
« Je me souviens de la première fois [que j'ai utilisé mon télescope] et cela m'a beaucoup inspiré, a-t-il déclaré. C'était très différent de ce que l'on peut lire dans un livre ou en ligne comme beaucoup le font maintenant. Et j'ai vite compris que le génie est un bon moyen d'exploration. »
Le télescope spatial James Webb
Les premières images captées par le télescope Webb montrent un paysage de « montagnes » et de « vallées » parsemées d'étoiles scintillantes, qui est en fait le bord d'une jeune pouponnière d'étoiles, NGC 3324, dans la nébuleuse de la Carène. Captées dans l'infrarouge par le télescope Webb, ces images révèlent des zones de formation stellaire auparavant inobservables.
Le télescope Webb est un exemple impressionnant de la rencontre entre la science et l'ingénierie. Le télescope Hubble – conçu et construit principalement dans les années 1970 et 1980 et lancé au début de 1990 – a incité des millions de gens à explorer et à réfléchir à la vie au-delà de la Terre. Par rapport au télescope Hubble, le télescope Webb a une capacité de collecte de lumière environ sept fois supérieure, ce qui signifie qu'une plus grande quantité de lumière permet de remonter plus loin dans le temps. À sa destination finale, Webb sera déployé à 1,5 million de kilomètres de la Terre dans un environnement glacial à -223 degrés Celsius. Il pourra remonter le temps jusqu'à la formation des premières galaxies de l'univers primitif et fournira des données qui permettront aux chercheurs et aux scientifiques d'explorer de nouvelles théories en cosmologie, en astrophysique et en astrobiologie pendant des décennies à venir.
« Pensez à la quantité de données que Hubble a fournie aux scientifiques et au fait que cela va se reproduire avec le télescope Webb. Des décennies d'informations sur les trous noirs, les exoplanètes [planètes situées en dehors du système solaire] et beaucoup d'autres cibles célestes encore, révélées grâce à l'infrarouge à travers des nuages de gaz, objets que l'on n'a jamais vraiment vus de cette façon auparavant », a indiqué Andrew Gadsden, soulignant que Hubble offrait des rendus visuels incroyables de ce que nos yeux peuvent voir, mais que Webb peut voir à travers des choses qui peuvent avoir bloqué la lumière visible.
Et si la quantité d'informations que le télescope James Webb va renvoyer sur Terre n'était pas assez formidable, M. Gadsden a également souligné que le fait de lancer le télescope dans l'espace à bord d'une fusée était également un exploit technique impressionnant.
« Les panneaux utilisés pour capter la lumière infrarouge ont été conçus pour se plier sur le modèle de l'origami – une véritable prouesse d'ingénierie et d’inspiration artistique, a expliqué M. Gadsden. Le processus de dépliage est extrêmement complexe et il a fallu environ deux semaines au télescope Webb pour se déployer complètement. Lorsqu'ils sont entièrement déployés, les miroirs hexagonaux de Webb ressemblent à un nid d'abeille. »
Réactions d’ingénieurs
M. Gadsden n'est pas le seul à avoir été impressionné par les premières images que le télescope Webb a renvoyées et par l'ingénierie qui a présidé à sa conception. Ingénieurs Canada a utilisé les réseaux sociaux pour solliciter les réactions des ingénieurs aux premières images du télescope et à ce que cela signifie pour l'avenir de l'observation et de l'exploration spatiales :
« Je suis émerveillé que nous soyons même capables de créer un tel appareil et de réaliser toutes les étapes nécessaires pour le mettre en position de renvoyer ces données et les images qui en résultent. Il a fallu énormément de travail de conception, d'essais et de planification pour y parvenir, alors que toute défaillance importante aurait été catastrophique. Toutes mes félicitations aux nombreuses équipes d'ingénierie, de technologie et de gestion de projet qui ont rendu possibles ces découvertes », a commenté Rodney Michalko, P.Eng., CEM, CMVP, sur LinkedIn.
« Comment pourrions-nous jamais comprendre les complexités de l'univers en restant sur Terre? Observer les choses sous de nouveaux angles apporte de nouvelles visions. Et permettre à ces visions de devenir des réalités, c'est exactement ce que nous faisons! », a également indiqué l’ingénieur Blake M. sur LinkedIn.
« Nous sommes tellement petits et insignifiants, mais le fait que nous puissions créer ces images signifie que nous ne sommes peut-être pas si insignifiants. Si nous sommes capables de placer plusieurs télescopes équidistants aux points de Lagrange, quelle sorte de résolution obtiendrons-nous du trou noir Sagittarius A* lorsqu'ils travailleront ensemble? Il est fascinant de voir une galaxie âgée de seulement 300 millions d'années – si proche du Big Bang! », a ajouté Pemberton Cyrus, directeur du département de génie industriel de l'Université Dalhousie, aussi sur LinkedIn.
Doug George, P.Eng., président et chef de la direction de Diffraction Limited, a également réagi, disant : « Ce n'est que le début. Le télescope Webb a mis moins d'une journée pour réaliser cette image, et elle est bien plus profonde que ce que Hubble a pu faire en quelques semaines. Imaginez ce que nous obtiendrons lorsque Webb sera en mesure de fixer ce champ pendant beaucoup plus longtemps. Webb et Hubble sont des observatoires complémentaires : Hubble peut faire certaines choses que Webb ne peut pas faire, comme prendre des images dans le bleu et l'UV, mais Webb a été conçu pour prendre des images beaucoup plus profondes dans le cosmos. Nous serons peut-être en mesure de voir la formation des premières galaxies. »
Inspirer la prochaine génération
Tout comme Hubble a suscité un intérêt pour l'espace dans les années 1990, le télescope James Webb fera probablement de même pour la génération actuelle. Les ingénieurs Andrew Gadsden et Margot Bélanger s'accordent pour dire que cette nouvelle percée dans le domaine de l'exploration spatiale va certainement inspirer les jeunes, de l'école primaire à l'université.
Ingénieure civile, Margot Bélanger est agente de sensibilisation pour des écoles primaires, où elle fait la promotion du génie auprès des élèves de 8e année, grâce au financement d'Ingénieurs et Géoscientifiques Nouveau-Brunswick et de la Faculté de génie de l'Université de Moncton. Plus tôt cette année, elle a animé une séance de questions-réponses en direct pour les élèves participant à l’Expérience Future City : Vivre sur la Lune organisée par Ingénieurs Canada, qui mettait au défi les élèves de la 6e à la 8e année (premier cycle du secondaire) de concevoir une ville futuriste sur la Lune.
« L'émerveillement que je vois sur les visages [des élèves] est incroyable. Leurs yeux s'illuminent », dit-elle au sujet de la réaction des jeunes lorsqu’elle leur parle des progrès de l'ingénierie, notamment en leur montrant des photos du rover martien ou en leur donnant des détails sur la Station spatiale internationale. « Certains d'entre eux sont vraiment captivés par tout ce qui touche à l'espace et ce sont ces élèves qui s'orienteront généralement vers l'espace et l'ingénierie, alors que d'autres encore se concentreront souvent davantage sur la recherche. »
Le télescope Webb, et ce qu'il peut et pourra faire dans l'espace, est un autre outil qui permet maintenant d'éveiller l’intérêt des élèves. Selon Margot Bélanger, il peut servir d'étincelle pour inciter les jeunes à explorer les nombreuses disciplines du génie qui pourraient les passionner et les mener à une carrière future.
« L'espace joue un rôle important pour susciter l'intérêt des élèves : il n'y a pas de limites et ils peuvent laisser libre cours à leur imagination en pensant à ce que nous pouvons découvrir et à comment cela peut nous aider à mieux vivre sur Terre, a indiqué Mme Bélanger. Peut-être que dans l'avenir, le télescope spatial James Webb inspirera des projets et de nouvelles découvertes qui inciteront les jeunes à faire des études en sciences et en génie. »
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