Philip LePoudre, ingénieur en mécanique spécialisé dans les systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation (CVC), a mis sa créativité et sa persévérance à l’œuvre pour mettre au point une innovation qui a modifié les systèmes de refroidissement dans le monde entier, y compris les centres de données qui alimentent Meta.
Le parcours de Philip LePoudre, qui commence par de la recherche fondamentale et des études de conception-fabrication, qui traverse des années d’investissement et d’innovation au Canada, qui fait face à des défis et à des revers, et qui aboutit finalement à la commercialisation internationale d’un produit, reflète l’histoire de l’ingénierie canadienne.
M. LePoudre, ingénieur en mécanique spécialisé dans les systèmes de CVC, a grandi à Saskatoon où il vit et travaille. Ses travaux sur une technologie d’échangeur à membrane, initialement destinée à la récupération d’énergie, ont changé la façon dont les systèmes de refroidissement par évaporation étaient appliqués dans le monde entier. Son succès témoigne de sa persévérance et du soutien de la profession d’ingénieur au Canada.
Poser les fondations
M. LePoudre a toujours su qu’il deviendrait ingénieur, mais travailler sur des systèmes de CVC n’était pas la direction qu’il comptait prendre. Cependant, lorsqu’il a décidé d’entreprendre une maîtrise, il a été attiré par la dynamique numérique des fluides, qui comporte la réalisation de simulations informatiques de l’écoulement des fluides, notamment de l’air et des liquides. Cela peut sembler abstrait, mais les systèmes de régulation de l’air et de l’eau font partie intégrante de nos bâtiments, garantissant qu’ils sont bien ventilés et qu’ils sont chauffés ou refroidis selon les saisons.
Alors qu’il travaillait à l’Université de Saskatchewan, son alma mater, Philip LePoudre s’est intéressé aux recherches sur le chauffage, la ventilation et la climatisation qui étaient menées par l’université. La recherche fondamentale portait sur un tout nouveau type de technologie d’échangeur à membrane. « Il s’agissait d’une technologie tout à fait révolutionnaire », dit-il. Tellement révolutionnaire qu’elle était financée par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) depuis des années et, pendant ce temps, l’université avait développé des bases solides pour cette recherche et était prête à la faire passer au niveau suivant : la commercialisation. C’est là que M. LePoudre est intervenu, mais il n’est pas venu seul.
Il a commencé à travailler avec une petite entreprise appelée Venmar CES, qui se spécialisait dans la fabrication de systèmes de ventilation, de récupération d’énergie et de chaleur pour les bâtiments commerciaux. L’entreprise, qui avait beaucoup investi dans la recherche et le développement, a été le commanditaire industriel de ces premières recherches. Après l’arrivée de M. LePoudre, l’entreprise a commencé à agrandir son équipe de recherche et développement en vue de la commercialisation de la technologie.
Industrie et innovation
« Dans un bâtiment, l’efficacité énergétique est vraiment essentielle », explique M. LePoudre. Lorsqu’on fournit de l’air frais par ventilation, il faut le modifier pour l’adapter à l’espace, en utilisant de l’énergie pour le chauffer ou le refroidir et contrôler l’humidité en fonction des besoins. La meilleure façon de conserver l’énergie est donc de récupérer la chaleur, et idéalement l’humidité, de l’air qui sort et de l’utiliser pour prétraiter l’air qui entre. C’est là que la technologie des membranes entre en jeu.
« L’échangeur à membrane liquide-air a été initialement développé pour la récupération d’énergie et utilise un fluide déshydratant liquide capable d’absorber la chaleur et l’humidité et de les transférer d’un flux d’air à un autre », explique M. LePoudre. Par « déshydratant liquide », l’ingénieur fait référence à un fluide salé et corrosif utilisé dans le système. L’astuce consiste à maintenir le liquide corrosif hors de tout contact avec l’air, ce qu’aucun autre échangeur ne pouvait faire avant la mise au point de cette nouvelle technologie.
« Pensez à une veste en Gore-Tex, explique M. LePoudre. Le matériau est imperméable et empêche le liquide de passer, mais il est respirant et laisse la vapeur s’échapper, ce qui permet l’échange de chaleur et de vapeur d’eau entre l’air et le liquide. »
Le concept était passionnant et tout à fait révolutionnaire, mais sa commercialisation allait demander beaucoup de travail. Se joignant à l’équipe de R et D de Venmar, M. LePoudre et une équipe d’ingénieurs se sont mis au travail. « Nous devions tout faire à partir de zéro, c’est-à-dire développer des modèles et prouver que nous pouvions atteindre les objectifs de coût. Nous avons dû trouver le moyen de fabriquer le produit et d’en améliorer la fiabilité », explique M. LePoudre. Sans l’investissement de Venmar et l’appui du CRSNG, cela n’aurait pas été possible.
« Je pense que la partie la plus satisfaisante a été la première conception viable. Lorsque nous avons compris tous les éléments de base de la conception, le rendement a été considérablement amélioré, la conception était plus compacte que toutes les précédentes et elle était robuste et résistante. C’est ce qui a été le plus satisfaisant : aboutir à quelque chose qui peut fonctionner dans le monde réel. Ce n’est plus seulement une idée », se souvient M. LePoudre.
Un parcours à rebondissements
Si vous pensez que cette histoire s’arrête là, vous vous trompez. L’industrie est en constante évolution. « Si vous parcourez l’histoire de la technologie, vous verrez qu’il n’est jamais très facile de faire quelque chose qui change vraiment la donne », dit Philip LePoudre. Dans le cas présent, le produit final n’est jamais sorti de chez Venmar. Il a connu quelques problèmes lors des essais sur le terrain, et l’entreprise a estimé qu’il ne s’agissait plus d’un produit rentable.
Cependant, l’innovation n’est jamais perdue. M. LePoudre a réfléchi aux applications potentielles de la technologie des membranes et a eu l’idée de l’utiliser pour le refroidissement par évaporation. « Au lieu d’utiliser une solution saline, nous pourrions utiliser de l’eau à l’intérieur de ces canaux membranaires. Et lorsque l’eau s’évapore à travers la membrane, elle produit un refroidissement, explique-t-il. J’ai pu constater les avantages de l’application du refroidissement par évaporation, qui serait plus simple à commercialiser et moins risqué. Les avantages et les performances seraient tout à fait significatifs. »
En 2015, M. LePoudre et Venmar ont eu la chance de présenter cette technologie à Facebook (aujourd’hui Meta) en tant que système de refroidissement potentiel pour leurs centres de données. En prouvant que les caractéristiques clés de cette technologie seraient une augmentation massive de l’efficacité énergétique et hydraulique – dans certains cas, en permettant d’économiser jusqu’à 90 % de l’eau d’un système de refroidissement par évaporation plus conventionnel – ils ont convaincu Facebook. Cette fois-ci, la technologie nouvellement baptisée StatePoint a été entièrement commercialisée et a fini par être vendue et installée en Irlande, à Singapour et dans toute l’Asie.
L’ingénierie au Canada
Philip LePoudre s’est maintenant lancé dans une nouvelle aventure en créant sa propre firme de génie-conseil, Vital Designs Solutions. Bien entendu, il reste fier de StatePoint Technology et de tout le travail qui a conduit à son développement.
« Cette histoire va bien au-delà de ma personne. Elle raconte comment nous pouvons créer des technologies de classe mondiale ici au Canada, même à Saskatoon en Saskatchewan. Nous avons des ingénieurs talentueux, des programmes, des universités, du financement pour la recherche et le développement – nous avons tout cela ici au Canada », a déclaré M. LePoudre. Il souhaite maintenant mettre à profit tout ce qu’il a appris pour stimuler l’innovation et la créativité dans le domaine de l’ingénierie au Canada.
Pour M. LePoudre, il existe une quantité illimitée de problèmes à résoudre et de défis à relever grâce à l’ingénierie. « Si vous vous intéressez vraiment à un problème, si vous vous intéressez à un client et à ce qu’il doit faire, vous pouvez accomplir beaucoup en tant qu’ingénieur. Vous pouvez trouver de nouvelles solutions et de nouvelles idées qui améliorent vraiment les choses, a-t-il déclaré, et je veux partager cet enthousiasme et cette mission avec d’autres. »
Les nouveaux ingénieurs sont confrontés à des problèmes plus complexes, car de nombreuses solutions doivent concilier des besoins multiples. Pour que l’ingénierie façonne l’avenir, le travail doit tenir compte de l’efficacité énergétique, réduire les émissions de carbone et être accessible à tous. Ce sont là des défis auxquels les ingénieurs en devenir devraient s’attaquer. « Pour aborder certaines de ces questions, il faut des niveaux de réflexion plus profonds et des niveaux encore plus profonds de créativité, d’innovation et de courage. »
Le défi de l’ingénierie, bien sûr, s’accompagne de la satisfaction de participer à un travail utile, dans un domaine qui permet de résoudre des problèmes complexes, tout en menant une carrière empreinte de créativité, de passion et d’innovation tout au long de la vie.