

Adoptés en 2015, les 17 objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies se veulent un appel à l’action pour répondre à un large éventail de défis, dont la pauvreté, la faim, la croissance économique, l’énergie, l’eau potable et les infrastructures.
Doyennes et doyens d’ingénierie Canada, un organisme qui regroupe les directeurs des programmes de génie des établissements d’enseignement supérieur canadiens, estime que les ingénieur.e.s ont un rôle essentiel à jouer dans la réalisation des ODD. Il a défini six grands défis pour le génie canadien (GDGC) dont le but est d’aider les ingénieur.e.s à se concentrer sur les questions les plus urgentes et les plus critiques auxquelles le Canada est confronté aujourd’hui, et sur lesquelles les ingénieur.e.s peuvent avoir un rôle concret à jouer. Les voici :
- Infrastructures résilientes
- Accès à l’énergie à bon prix, fiable et durable
- Accès à l’eau potable dans toutes les communautés
- Villes inclusives, sécuritaires et durables
- Industrialisation inclusive et durable
- Accès à une formation inclusive et abordable dans les domaines des STIM
Les grands défis s’adressent à l’ensemble de la communauté des ingénieur.e.s, mais les doyen.ne.s ont estimé que le meilleur moment pour les présenter serait pendant les études postsecondaires en génie.
« Nous voulions vraiment faire comprendre aux étudiant.e.s que ce sont des défis auxquels notre pays est confronté afin que [leur] attention, leurs compétences et leur intelligence portent sur certains de ces défis », déclare Mary Wells, P.Eng., présidente de Doyennes et doyens d’ingénierie Canada. Elle affirme qu’un grand nombre d’étudiant.e.s arrivent à l’université avec un but ou une idée de la façon dont ils veulent créer un monde meilleur, mais doivent s’adapter aux paramètres rigides d’une majeure en ingénierie spécifique.
« [Les grands défis pour le génie canadien] leur servent de cadre pour explorer les objectifs qu’ils pourraient avoir, mais ils font aussi le lien avec ce qui est enseigné dans leur programme », explique Mme Wells.
« Les doyennes et doyens de l’ingénierie ont étudié [les ODD] et se sont demandé quelle est la position des ingénieur.e.s. Où peuvent-ils contribuer directement ? Ils ne pensent pas nécessairement pouvoir contribuer directement à des causes comme l’éradication de la pauvreté ou de la faim », explique Nadine Ibrahim, P.Eng., professeure agrégée de génie civil et génie environnemental à l’Université de Waterloo. « C’est pourquoi [les doyen.ne.s] les ont réduits aux six défis auxquels les ingénieurs peuvent réellement contribuer, et cela a été adapté au contexte canadien. Je pense que c’est pour cela qu’ils sont si efficaces. »
En envisageant leur carrière à travers le prisme des GDGC, les étudiant.e.s en génie peuvent se représenter la façon d’appliquer les compétences qu’ils acquièrent. Cela leur ouvre des portes vers des emplois intéressants, leur permettant de relever des défis mondiaux. De plus, l’objectif déclaré des GDGC, qui est d’améliorer la vie des Canadien.ne.s et du monde, cadre avec les responsabilités éthiques des ingénieur.e.s.
Mmes Wells, Ibrahim et plusieurs de leurs collègues dans des universités canadiennes travaillent actuellement de différentes façons pour intégrer les GDGC et aider les étudiants à s’en servir.
Enseigner les GDGC
Mme Ibrahim a été une cheffe de file dans la promotion des grands défis auprès de ses étudiant.e.s, à commencer par le cours de deuxième année en génie civil et développement durable qu’elle enseigne à Waterloo.
« Dès le tout premier cours, je leur présente les grands défis pour le génie canadien », dit-elle. Grâce à ce travail préparatoire, indique-t-elle, une fois que les étudiant.e.s atteignent leur quatrième année et choisissent un sujet pour leur projet de conception final, ils essaient intuitivement de le rattacher à l’un des grands défis.
Mme Ibrahim et ses collègues, les professeurs en génie Christine Moresoli de l’Université de Waterloo et John Donald, P.Eng., de l’Université de Guelph, ont également pu obtenir un financement d’eCampus Ontario pour créer un manuel en ligne intitulé Encourageons la dissémination par les éducateurs des grands défis pour le génie canadien. Publié en 2023, il comprend des études de cas qui portent sur les villes et les communautés canadiennes, et est disponible gratuitement en anglais et en français.
Programme Champions des GDGC
L’Université de Waterloo et l’Université McMaster ont récemment lancé le programme Champions des GDGC, et plusieurs autres universités, dont l’Université McGill à Montréal, prévoient de s’y associer prochainement. Ce programme permet aux étudiant.e.s en génie de montrer comment ils ont relevé les grands défis, en classe ou non, et de faire part de leurs réflexions et leurs apprentissages.
« Les étudiant.e.s qui se voient contribuer aux grands défis – que ce soit dans le cadre d’un cours, d’une expérience professionnelle, d’un stage, d’un club étudiant ou d’une expérience de bénévolat - soumettent une vidéo de trois minutes et une diapositive PowerPoint, et ils obtiennent un badge de champions », explique Mme Ibrahim. Chaque établissement participant offre aux champions des GDGC l’occasion de présenter leurs réalisations à un public plus large. À Waterloo, les vidéos des champions seront mises en ligne, et les champions seront invités à déjeuner avec le doyen de la faculté de génie, puis ils auront la possibilité de rencontrer des étudiant.e.s en génie d’autres établissements qui partagent les mêmes idées.
Lead-a-thons
À Guelph, M. Donald et ses collègues associent les grands défis au concept de leadership, qui, selon lui, n’est souvent pas enseigné de manière explicite aux étudiant.e.s en génie.
« L’une des choses que les GDGC peuvent faire est souligner la nécessité pour les ingénieur.e.s de se mobiliser et d’assumer des rôles de leadership dans ce domaine, au lieu de se contenter de résoudre des problèmes technologiques. Il est important qu’ils soient à l’aise pour diriger, façonner et gérer », dit-il.
Ce point de vue est mis en évidence dans plusieurs événements de type « lead-a-thon » que M. Donald et son équipe de Guelph ont organisés. Au cours d’un « lead-a-thon », les étudiant.e.s découvrent le leadership dans un contexte du génie et effectuent des exercices liés à leurs valeurs et à leurs points forts personnels.
« Une fois que nous avons fait cela, nous leur présentons les grands défis pour le génie canadien, puis nous leur disons : voici un défi dans une communauté, puis ils s’affrontent pour voir qui peut créer la solution la plus durable », explique M. Donald.
La particularité de cette activité est que les étudiant.e.s ne sont pas invité.e.s à résoudre un problème technique, comme dans la plupart des concours d’ingénierie, mais à trouver une solution qui fonctionne pour la communauté en examinant la dynamique des parties prenantes et d’autres questions, ainsi qu’en utilisant leurs compétences en leadership.
« Ils définissent le problème, la solution, en fonction de leurs valeurs et de la manière dont ils essaieraient de mener ce processus », explique M. Donald.
Engagement auprès des municipalités
Mme Ibrahim est également titulaire de la chaire Turkstra en génie urbain, dont le mandat est de travailler en étroite collaboration avec les villes sur les infrastructures durables. Chaque année, elle engage un.e ingénieur.e en résidence dans une municipalité différente, qui consacre une partie de son temps à travailler avec des étudiant.e.s en génie sur divers projets.
« En fait, je leur donne pour mission de présenter des projets de leurs municipalités qui répondent aux grands défis du génie canadien. Au tout début, [les participant.e.s au programme Engineers in Residence] ne savent pas de quoi il s’agit. Je dois donc leur expliquer, et ils me répondent : « Ah oui, nous faisons tout cela », explique Mme Ibrahim.
À la fin de leur résidence, chaque participant.e co-crée, avec les étudiant.e.s, une publication promotionnelle sur les projets durables de leur municipalité, dans le contexte des grands défis.
« Et ils disent : vous savez quoi ? Nous voulons utiliser cela dans nos municipalités pour en tirer parti. Nous mettons notre équipe de communication sur le coup. »
À l’horizon
Avec l’augmentation du nombre d’écoles participant au programme pilote des champions des GDGC, Mmes Wells et Ibrahim espèrent que celui-ci gagnera du terrain et sensibilisera les étudiant.e.s de tout le Canada aux grands défis, même si Mme Ibrahim affirme qu’il faut faire davantage de sensibilisation.
Selon Mme Wells, l’un des objectifs des grands défis est d’élargir les compétences des étudiant.e.s en génie au-delà de la résolution de problèmes, pour inclure la définition des problèmes, la communication avec les autres et la compréhension des enjeux plus larges.
« [Les GDGC] nous poussent vraiment à sortir de notre zone de confort, mais je pense que cela en vaut la peine et que cela offrira aux ingénieurs d’énormes possibilités de contribuer encore plus qu’ils ne l’ont fait jusqu’à présent. »
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