Des ingénieurs sur la Colline parlementaire est une série présentée dans le bulletin Parlons génie. Il s’agit d’entretiens avec des ingénieurs occupant un poste dans la fonction publique fédérale. Vous trouverez ci-dessous le deuxième entretien de la série, un échange avec Marilyn Gladu, P.Eng.
Membre du Parti conservateur du Canada, Mme Gladu représente la circonscription de Sarnia-Lambton, en Ontario. Élue pour la première fois au Parlement en 2015, elle a été réélue en 2019. Avant d'entrer en politique, Mme Gladu a assumé diverses fonctions d’ingénieure chez Dow Chemical, et travaillé aussi bien au pays qu’à l’étranger. Elle a ensuite été gestionnaire des services de génie chez Suncor, avant de devenir consultante chez WorleyParsons.
Ingénieurs Canada : Qu’est-ce qui a suscité votre intérêt pour le génie? Qu’est-ce qui vous a motivé à étudier en génie? Quelle discipline avez-vous étudiée et pourquoi l’avez-vous choisie?
Marilyn Gladu : Eh bien, quand je réfléchissais à ce que je voudrais faire quand je serais grande – j’étais bonne en maths et en sciences – et que je discutais avec le conseiller en orientation de la carrière qui me conviendrait, il a dit « informatique ou génie, mais tu ne peux pas être ingénieur, car c’est réservé aux hommes ». Mes oreilles se sont alors dressées et j’ai eu la chance d’avoir un professeur, un professeur de chimie, qui nous a emmenés en excursion à l’Université Queen’s, où nous avons visité la faculté de génie. C’est donc là que j'ai décidé d’étudier. Je m’y voyais bien. Cela a éveillé mon intérêt.
IC : Qu’est-ce qui vous a incitée à faire le nécessaire pour obtenir votre permis d’ingénieur? Encourageriez-vous d’autres diplômés en génie à obtenir leur permis d’ingénieur?
MG : Lorsque j’ai obtenu mon diplôme, en 1984, il fallait avoir un permis pour exercer le génie et estampiller vos dessins. Depuis, c’est moins nécessaire à cause de l’exemption industrielle, etc. On peut maintenant travailler sous la supervision d’un ingénieur titulaire, il y a donc moins de pression pour obtenir un permis. Je crois que cette étape est importante et formatrice, car on en apprend beaucoup sur la responsabilité délictuelle, le code d’éthique, la nature d’un conflit d’intérêts, et bien d’autres choses qui, selon moi, sont vraiment importantes. J’encourage tout le monde à obtenir son permis d’ingénieur, et une fois qu’on l’a, on veut le conserver. Du coup, chaque jour, la sécurité publique passe au premier plan. On se dit « j’ai mon permis, je ne veux pas le perdre ». Cela guide les prises de décision dans tous les domaines.
IC : De quelle manière pouvons-nous encourager une plus grande diversité au sein de la profession d'ingénieur?
MG : Je crois qu’il est important d’obtenir une diversité dans les conseils d’administration – par exemple, 30 % de femmes autour de la table. À ce moment-là, on comptera un plus grand nombre de femmes au sein de l’organisme. Ça coule de source. Je crois que cela vaut pour la diversité. On doit donc s’assurer que ceux qui ont le pouvoir reflètent la diversité du Canada. S’il n’y a que des hommes blancs, cela ne représente pas la diversité du Canada et je ne pense pas que cela servira la cause de la diversité parce que les gens ont tendance à être à l’aise avec des gens qui leur ressemblent. Nous devons faire un effort pour obtenir la diversité aux échelons supérieurs. Et puis, je pense que nous devons être accueillants. Je pense que les jeunes Canadiens sont plus habitués à la diversité. Ils la voient à l’école, ils la voient dans leurs interactions, ce sont des citoyens du monde. Je pense que ce sera un bon facteur également.
IC : Quels conseils donneriez-vous aux femmes qui envisagent de faire carrière en génie?
MG : Foncez! Je pense que le génie offre la possibilité d’une carrière polyvalente et que le génie prend bien des formes. C’est un excellent métier qui peut changer en fonction de vos besoins en matière de conciliation vie privée et vie professionnelle. Alors, je leur conseillerais de ne pas hésiter. Si vous décidez d’embrasser cette carrière et que vous vous rendez compte que ça ne vous convient pas, il sera facile de passer du génie à autre chose, mais le contraire est moins vrai.
IC : Après une carrière en génie, qu’est-ce qui vous a incité à briguer une charge publique?
MG : C’est une excellente question. Lorsque mon travail d’ingénieure m’amenait à parcourir le monde, je revenais toujours au Canada en me disant : « Quel pays formidable. C’est certainement le meilleur pays au monde ». Mais j’avais le sentiment que le pays n’était vraiment pas bien géré par les politiciens de l’époque, et c’est ce qui m’a poussé à m’intéresser à la politique. Après avoir siégé pendant une dizaine d’années à divers conseils d’administration, et après avoir appris comment les politiques étaient élaborées, j’ai pris connaissance des positions des différents partis. J’étais présidente de l’Association conservatrice lorsque le membre en exercice a décidé de prendre sa retraite. Il m’a fallu trouver l’heureux élu qui le remplacerait. À l'époque, nous avions des problèmes complexes à Sarnia-Lambton. Il y avait 20 % de chômage chez les jeunes, 10 % dans la population générale. Nous avions une population vieillissante et aucun plan pour les lits de soins de longue durée ou le genre de services qui seraient nécessaires pour soutenir les personnes âgées.
Aucun des candidats qui se sont présentés ne semblait avoir le bagage nécessaire pour s’attaquer à ça. Les ingénieurs sont doués pour résoudre des problèmes complexes. Je me suis donc dit : « Eh bien, je vais peut-être devoir le faire moi-même ». Je me suis donc jetée à l’eau et, en 2015, j’ai été la première ingénieure élue à la Chambre des communes. J’ai été réélue en 2019. Je crois que si j’ai été élue, c’est parce que je sens que je peux changer les choses. Et je me dis que mes compétences d’ingénieure conjuguées à mon expérience internationale me permettront de faire efficacement ma part pour améliorer le pays.
IC : Quelle valeur est-ce que les ingénieurs – ou la perspective du génie – apportent à des décisions de politique publique?
MG : Je pense que les ingénieurs peuvent absorber un grand volume d’information puis la réduire à l’essentiel et prendre des décisions à partir de là. C’est important en politique, car il y a toutes sortes d’informations contradictoires et un énorme volume d’information à analyser pour déterminer la nature exacte d’un problème, la manière dont il faudrait le résoudre et mettre en place la solution. Je pense donc que les ingénieurs apportent de nombreuses compétences en la matière. On sait corriger les erreurs et comprendre les causes et les effets. Toutes ces choses rendent l’élaboration des politiques publiques plus efficace et plus ciblée.
IG : Que diriez-vous à un ingénieur qui envisage de briguer une charge publique?
MG : Foncez! La vie publique n'est pas faite pour tout le monde, alors je pense qu’il faut d’abord s’asseoir et calculer les coûts, car le génie est une affaire de faits, de données et de logique, tandis que la politique est une affaire de perception, d’influence, etc. C’est un mélange d’influence et de plusieurs choses faites de pensée analytique et de compétences plus générales. Il n’est pas possible d’exercer un contrôle direct. Alors, il faut s’asseoir et calculer les coûts. Mais ceux qui aimeraient tenter leur chance devraient certainement le faire, nous avons besoin d’un plus grand nombre d’ingénieurs en politique, car nous avons besoin d’un supplément de bon sens et de prises de décision axées sur des faits probants. Je serais donc heureuse de donner un coup de main à celui ou celle qui voudrait se lancer dans la course. Je pourrais lui dire ce qu’il faut avoir et lui indiquer les étapes à suivre pour y parvenir.
Pour lire le premier article de la série Des ingénieurs sur la Colline parlementaire – un entretien avec l’honorable Steven Blaney – cliquez ici