Lorsque l’ingénierie a des défaillances, des ingénieurs légistes comme Matthew Obach enquêtent pour comprendre ce qui n’a pas fonctionné et comment éviter de nouvelles défaillances.
La perfection en ingénierie est impossible. Les défaillances sont inévitables et parfois dangereuses. Les ingénieurs légistes entrent en scène après une défaillance et reconstituent minutieusement l’incident pour en déterminer la cause. Il s’agit parfois d’un problème de conception, d’utilisation ou d’un événement aléatoire. Ces ingénieurs travaillent comme des détectives, utilisant leurs capacités d’observation ainsi que leurs connaissances en mécanique et en science des incendies pour résoudre des énigmes et fournir des réponses à ceux qui en ont besoin.
Reconstituer le puzzle
Ce n’est qu’au cours de sa deuxième année de maîtrise que Matthew Obach a découvert que les enquêtes sur les incendies constituaient un choix de carrière. La possibilité d’exercer l’ingénierie légale, d’enquêter sur des cas et d’effectuer des recherches sur des schémas d’incendie l’a immédiatement séduit. « Ce sont des casse-têtes pour adultes, et c’est exactement ce que je fais comme travail », indique M. Obach.
« Je ne fais pas de conception, j’interviens toujours après une défaillance, explique-t-il. Lorsque quelque chose tombe en panne et se casse ou déclenche un incendie, mon travail consiste à aller sur place pour trouver la cause de la défaillance. »
Matthew Obach doit éliminer systématiquement toutes les causes possibles : un défaut de conception, une erreur d’installation ou de fabrication, une erreur humaine ou simplement la fin de vie d’une pièce de machine. L’objectif est de déterminer exactement pourquoi l’incident s’est produit et d’empêcher qu’il se reproduise dans l’avenir.
Il existe un processus standard pour découvrir la vérité dans ces cas. Tout d’abord, l’enquêteur doit faire des observations en se rendant sur les lieux et en observant les effets de la défaillance et de l’incendie.
« Il existe une science qui s’intéresse à la façon dont le feu grandit, se propage et crée des schémas, explique M. Obach. C’est la compréhension de cette science et du développement des schémas qui permet de déterminer la zone d’origine. Une fois l’origine déterminée, on doit examiner les différents éléments susceptibles d’être à l’origine de la défaillance ayant provoqué l’incendie, pour voir ce qu’on peut confirmer ou exclure comme cause. »
Parfois, la réponse est simple, s’il s’agit de quelque chose que l’enquêteur a déjà vu ou s’il y a une cause évidente dans la zone d’origine. D’autres défaillances nécessitent une enquête plus approfondie et peuvent inclure des tentatives de reproduire la défaillance, en obtenant le même équipement et en testant chaque pièce pour déterminer ce qui a pu mal fonctionner.
« Je dis souvent que je n’ai jamais enquêté deux fois sur le même incendie, indique M. Obach. Chaque jour est une expérience différente. »
Des changements durables
Les résultats de ces enquêtes peuvent mener à des changements durables qui touchent l’ensemble de la population canadienne. M. Obach se souvient d’un cas particulier d’incendie dans un véhicule, où ses collègues et lui ont dû faire preuve de créativité pour résoudre l’affaire. Ils soupçonnaient que le feu avait pris naissance dans la cartouche du chauffe-moteur et que quelque chose n’allait pas dans la forme du trou percé dans le bloc-moteur.
« Dans ce cas, nous sommes allés chez Michael’s acheter de la pâte à modeler, que nous avons enfoncée dans le trou, puis retirée pour en examiner la forme », explique M. Obach.
Comme les enquêteurs s’en doutaient, il y avait un problème avec la façon dont le trou avait été créé. Le chauffe-moteur n’était pas correctement placé et la chaleur pouvait donc s’échapper et affecter le point de connexion électrique, ce qui avait entraîné une panne. Cette découverte a donné lieu à un rappel du véhicule par Transports Canada.
« On a vraiment eu l’impression d’avoir un impact positif direct sur l’amélioration de la sécurité », dit M. Obach.
Communiquer l’information sur la sécurité
Le simple fait d’identifier un problème ne suffit pas toujours à prévenir de futures défaillances; un cas sur lequel M. Obach a travaillé et qui concernait une tête de moissonneuse-batteuse (l’élément avant de la moissonneuse utilisée en agriculture) l’illustre parfaitement.
Matthew Obach a identifié un roulement dont la défaillance aurait pu déclencher l’incendie qui a détruit la machine. La carcasse incendiée de la moissonneuse-batteuse était suffisamment intacte pour qu’il puisse lire les instructions du fabricant indiquant qu’il fallait graisser ce roulement toutes les 40 heures. En examinant, à des fins de comparaison, une version plus récente de la même tête de moissonneuse-batteuse, il a constaté que les instructions avaient été modifiées pour indiquer qu’il fallait graisser le roulement toutes les 10 heures.
Dans ce cas, le fabricant avait correctement identifié une défaillance potentielle et mis à niveau le nouvel équipement, mais cette information n’a pas été communiquée aux agriculteurs qui possédaient des versions plus anciennes de cette moissonneuse-batteuse. La communication des connaissances acquises dans le cadre de ce type d’enquêtes est un aspect crucial de l’amélioration de la sécurité publique en général.
Ce problème de communication peut également se poser dans les deux sens. M. Obach a déjà vu des gaz d’échappement de machines agricoles devenir si chauds qu’ils enflammaient des matières organiques, mais certains fabricants sont sceptiques et ont besoin de plus de preuves que des témoignages anecdotiques. M. Obach travaille actuellement sur un projet de recherche avec des agriculteurs pour tester les températures des gaz d’échappement pendant que les machines fonctionnent, afin de pouvoir documenter le problème de manière à ce qu’il puisse être communiqué aux fabricants de façon convaincante.
« Tout ce que je peux identifier comme étant un problème, qui peut être corrigé pour limiter les risques de répétition, contribuera de façon importante à améliorer la sécurité publique », dit M. Obach.
Et dans les cas d’incendies catastrophiques, le fait de savoir ce qui s’est passé peut grandement contribuer à apporter un sentiment de paix ou de clôture aux personnes touchées.
« C’est gratifiant de pouvoir dire, voici ce qui a causé l’incendie, et parfois aussi ce qu’on peut faire à l’avenir pour que cela ne se reproduise pas. D’autres fois, les gens retrouvent une certaine tranquillité d’esprit en sachant ce qui s’est passé, en sachant que ce n’était pas leur faute ou parfois en obtenant une réponse définitive. »
L’avenir de l’ingénierie légale
La satisfaction de résoudre une énigme et la possibilité d’améliorer la sécurité des gens sont les raisons qui motivent M. Obach à continuer de s’investir dans les enquêtes sur les incendies. « Je ne compte plus le nombre de fois que j’ai travaillé avec quelqu’un qui m’a dit à la fin : J’apprécie, merci d’être venu, mais j’espère ne plus jamais vous revoir... Je ne le prends pas personnellement. »
M. Obach explique que le domaine de l’ingénierie légale est relativement nouveau. Il y a 30 ans seulement, ce champ d’exercice était beaucoup moins bien compris et moins fiable qu’aujourd’hui. Il s’agit d’un domaine en pleine expansion, où l’on trouve constamment de nouveaux outils et de nouvelles techniques qui aident les enquêteurs à déterminer l’origine des incendies. Cependant, l’évolution rapide de la technologie signifie qu’il y a constamment de nouvelles pièces de machinerie qui présentent de nouvelles défaillances.
« Les véhicules électriques et les incendies vont constituer un défi majeur pour nous. » Tout comme M. Obach constate davantage de défaillances de chauffe-moteurs dans les régions du pays confrontées à des températures extrêmement froides, l’utilisation accrue des véhicules électriques change la dynamique des points de défaillance potentiels.
« Nous observons de nombreuses pannes de batteries rechargeables pour les appareils ménagers, les outils, les aspirateurs, etc. Mais lorsque ces batteries commencent à être utilisées dans les véhicules, la taille et l’échelle de ces batteries pourraient constituer un problème majeur. Ce sont des incendies plutôt spectaculaires lorsqu’ils se produisent », explique M. Obach.
Matthew Obach sait que ses collègues ingénieurs et lui sont prêts à relever le défi. Il conseille aux futurs ingénieurs d’explorer toutes leurs options et d’étudier les possibilités qui s’offrent à eux dans le vaste éventail des domaines du génie. « Lorsqu’on parle de génie, les gens ont probablement cinq idées du type d’emploi que cela signifie, alors qu’il existe des centaines d’emplois différents. Si la profession d’ingénieur vous intéresse, cela vaut la peine d’explorer les possibilités qui s’offrent à vous. Il y aura des possibilités auxquelles vous n’avez même pas pensé. »