Anthony Gerard portrait

Enfant, Anthony Gérard, PhD, ing., avait peur des bruits forts - « feux d’artifice, motos, tout ce qui était bruyant » - et s’accrochait à sa mère, terrifié. Aujourd’hui, il dirige le département d’acoustique et vibrations chez Soft dB, une entreprise spécialisée dans la résolution de problèmes de bruit et de vibrations, au service de clients du monde entier. Son parcours l’a mené de sa France natale au Québec, du monde universitaire à l’industrie privée, et de la musique au génie.

En grandissant, M. Gérard était fasciné par la physique et les mathématiques et voulait devenir chercheur. En même temps, il était passionné de musique, et a commencé à jouer de la trompette et faire du chant.

« À 18 ans, j’ai donc dû faire un choix dans ma vie : devenir musicien ou chercheur ? Et je me suis dit que je pouvais faire de la recherche et de l’ingénierie, et jouer de la trompette et chanter à côté, mais je ne pouvais pas faire l’inverse. »

Le génie lui a permis de faire carrière en se consacrant à sa passion pour le son et la recherche lorsqu’il a plongé dans le domaine de l’acoustique.

L’acoustique : l’ingénierie du son

Son choix fait, M. Gérard a obtenu son diplôme d’ingénieur en France, avec une spécialisation en acoustique, qu’il appelle « l’ingénierie du son », un choix naturel pour quelqu’un qui a des dispositions pour la musique. Il a ensuite changé de vie en intégrant l’Université de Sherbrooke, au Québec, pour obtenir sa maîtrise.

« J’ai beaucoup aimé le programme là-bas : j’avais des cours de génie mécanique pour la science de l’acoustique, puis de génie électrique pour l’intelligence artificielle. »

À cette époque, le domaine de l’intelligence artificielle (IA) commençait à peine à voir le jour, mais M. Gérard s’y intéressait beaucoup. Pendant sa maîtrise, il a suivi l’un des premiers cours d’IA et d’acoustique proposés au Québec, et a construit un programme informatique qui utilisait l’IA pour annuler le son en contrôlant les vibrations créées par des systèmes non linéaires, là où les algorithmes traditionnels ne fonctionnent pas. Cette réalisation a fait de lui un pionnier dans l’application de l’IA à l’acoustique.

M. Gérard dit qu’il avait l’intention d’arrêter ses études après son master, mais le destin en a décidé autrement.

« J’ai inventé quelque chose, presque par accident. Mon mémoire de maîtrise portait sur la réduction du bruit des ventilateurs et, comme j’étais musicien, je voulais créer un instrument de musique fondé sur des ventilateurs. En utilisant des équations, j’ai découvert qu’il existe une forme aérodynamique qui peut créer beaucoup de bruit. »

Il a tenté d’utiliser un tuyau et un ventilateur pour ajuster la fréquence du bruit, mais il s’est rendu compte qu’à certains endroits de la forme aérodynamique qu’il avait créée, l’instrument annulait le son généré.

« Il s’agissait d’un interféromètre dynamique capable de créer du bruit ou de le contrôler. Pour l’industrie, il était bien plus intéressant de réduire le bruit que de le créer. J’ai breveté cette invention, qui a fait l’objet de ma thèse de doctorat. »

Après avoir obtenu son doctorat, il a voyagé en Afrique et en Asie du Sud, où il a enregistré des chansons pour enfants et a travaillé sur d’autres projets musicaux pendant plusieurs années avant de revenir à l’Université de Sherbrooke en tant que titulaire d’une chaire de recherche.

Mais il a rapidement été attiré ailleurs, et pour une bonne raison : sa femme voulait déménager à Montréal, et M. Gérard voulait la voir plus que les fins de semaine.

Heureusement, un ami était vice-président d’une entreprise appelée Soft dB et a invité Anthony Gérard à venir travailler pour lui à Montréal. Bien que réticent au début, son ami lui a laissé entendre que l’entreprise pourrait être en mesure de faire quelque chose avec un ou plusieurs des brevets qu’il détenait. Il a accepté d’y travailler un jour par semaine. Un an plus tard, il travaillait à temps plein chez Soft dB en tant que chef de projet.

Appliquer l’IA à l’acoustique des mines au profit du projet et de la communauté

L’une de ses premières missions a été la mine d’or à ciel ouvert Canadian Malartic, en Abitibi, au Québec, un travail qui présentait des défis pour le moins difficiles.

« Imaginez que vous ayez une immense mine, juste à côté d’une ville. Et qu’elle soit ouverte. »

Le projet de Soft dB était d’aider la mine à contrôler et à gérer le bruit qu’elle générait afin de rester dans les limites légales. M. Gérard et son équipe ont développé un logiciel de surveillance spécialisé et de l’imagerie radar acoustique pour établir, en temps réel, les principales sources de bruit sur le site. Plutôt que d’arrêter toute activité et de redémarrer ensuite pièce par pièce, ce logiciel a permis à la mine de continuer à fonctionner et de simplement ajuster les équipements ou arrêter des machines individuelles tout en restant conforme.  

L’équipe de Soft dB a également été la première à utiliser l’IA pour déterminer et filtrer les sons captés par le radar acoustique qui n’étaient pas générés par le site de Malartic.

« Le radar a une précision de 95 %, sauf lorsqu’il y a une source sonore qui ne provient pas de la mine entre le radar et la mine. Des oiseaux, par exemple, des chiens ou des voitures », explique M. Gérard. « Auparavant, nous filtrions en écoutant les ondes sonores. C’est un long processus et cela ne peut pas se faire en temps réel. Nous voulions donc disposer d’un indicateur en temps réel. »

Ils ont converti les sons en spectrogrammes et ont formé un réseau neuronal à analyser ces images et à reconnaître les types de sons qu’elles représentaient. M. Gérard affirme que cet algorithme de filtrage préalable par l’IA se classe parmi les meilleurs au monde pour la reconnaissance d’événements et l’apprentissage des caractères sonores. Il ajoute que lorsque le radar acoustique est combiné à ce filtre d’IA, la capacité re reconnaissance des sons de l’ensemble du système est supérieure à celle d’un humain.

Il prend soin d’ajouter que l’IA n’est qu’une petite composante du système plus large de surveillance du bruit : « L’IA est comme la cerise sur le gâteau. Ce n’est pas la base de tout. » 
 
Anthony Gérard et l’équipe de Soft dB ont aidé Malartic à respecter la réglementation sur le bruit pendant de nombreuses années. C’est important à plusieurs niveaux, dit-il. Bien sûr, c’est financièrement avantageux pour l’entreprise si elle peut continuer à fonctionner sans arrêter la production et sans avoir à payer des amendes, mais c’est aussi un énorme avantage pour les personnes qui vivent à proximité.

« Si l’on souhaite mener des activités et entretenir de bonnes relations avec les voisins, Il faut respecter les lois. En fait, nous contribuons à améliorer les relations avec la communauté, entre la mine et le voisinage, ce qui est très important pour l’acceptation sociale du projet. »

L’IA dans l’exercice du génie

Bien que l’IA ait contribué au succès du projet de Malartic et d’autres projets miniers similaires ailleurs, en général, M. Gérard affirme que les ingénieurs devraient conserver un scepticisme sain à l’égard de cette technologie.

« Parce qu’on ne peut pas se fier aux réponses de l’intelligence artificielle dans la pratique de l’ingénierie. Il faut vérifier ce que dit l’IA, car si l’on pose deux fois la même question, on obtient deux réponses différentes : parfois l’une est juste, l’autre fausse, parfois les deux sont fausses, parfois les deux sont justes. »

Il ajoute que les grands modèles linguistiques tels que ChatGPT peuvent être utiles pour susciter des idées originales, mais que ces idées doivent toujours faire l’objet de recherches à l’aide de sources d’informations et de données fiables.

Avec le recul, M. Gérard remarque que lorsqu’il a envisagé de travailler avec Soft dB, il avait quelques préoccupations d’ordre éthique, mais sa femme l’a aidé à y voir clair.

« Je n’avais pas prévu d’être acousticien pour les mines ou le secteur de l’industrie ; j’étais chercheur. Est-ce que je promeus des clients bruyants ou des exploitations bruyantes ? Ma femme est ingénieure en environnement, et elle m’a dit : "Non, non, non, non. Tu es là pour les aider à se conformer et à aider la communauté. Et si tu ne le fais pas pour eux, alors quoi ? Quelqu’un d’autre le fera, peut-être ? Peut-être pas aussi bien que nous le pouvons avec Soft dB." Alors j’ai dit : "Tu as raison. OK, alors allons-y." »

Toutes les compétences que M. Gérard a développées en tant qu’étudiant en génie, puis en tant que chercheur, lui ont ouvert les bonnes portes pour l’aider à résoudre les problèmes complexes de bruit et de son posés par Malartic et d’autres exploitations minières au Canada. Sa décision de passer au secteur privé s’est finalement avérée la bonne, et il est très heureux de son choix (même si aucun des brevets qu’il a apportés n’a finalement été utilisé par Soft dB).

« Finalement, mon ami a eu raison. J’adore transformer les vrais problèmes de mes clients en défis pour les ingénieurs, ensuite en solutions intelligibles pour le client. »

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